12 Novembre 2016
Article écrit le 13 Août 2009 Par GILLES HERTZOG.
Il y a les icônes mondialisées du bien, Obama, Mandela, les icônes de la réussite planétaire, Bill Gates ou Spielberg, les icônes du mal, Ben Laden, Saddam Hussein, Madoff, et puis la famille des icônes tragiques, illustrée hier par Marylin Monroe ou Lady Di, où est entré Michael Jackson, propulsé d’emblée par la grâce de sa mort soudaine au firmament des destins brisés. Ce fut un tsunami universel de larmes et de déplorations, une communion globalisée ad nauseam d’un bout à l’autre du village mondial, une liturgie médiatique jamais vue, un méta-spectacle que Guy Debord n’eut pu imaginer, doublé d’un marketing d’enfer.
Et puis ce furent surtout des masses innombrables d’éplorés, orphelins par millions d’un grand frère universel, miroir idéalisé de leurs vies aliénées, porteur de leurs rêves d’échapper à la condition postmoderne d’êtres sans nom, sans visage, et demain, pour beaucoup, crise oblige, sans fonction ni statut.
Comme si tous avaient perdu une part d’eux-mêmes, privés par sa disparition de la seule transcendance (transe en danse ?) encore à leur disposition. Comme si écouter «Michael» figeait le temps, en s’enivrant à répétition de Bad ou de Thriller, était le dernier barrage devant le vide menaçant d’un monde en fuite où la jeunesse, aussi courtisée soit-elle, n’est plus invitée au banquet de la vie, sinon comme pure instance consommatrice. Vous ne voulez plus de nous ? Eh bien, nous ne voulons pas non plus, à l’instar de notre grand frère Michael Jackson, entrer dans un monde qui ne veut pas de nous.
L’énigme est là. Comment ces millions, jeunes, immigrés, kids occidentalisés de Pékin ou Tokyo, et enfants de la crise pour la plupart, ont-ils pu, aussi acculturés seraient-ils, s’identifier avec tant de ferveur à pareil anti-modèle, vénérer pareille icône vénéneuse ? Là est la question. Car enfin, Michael Jackson a tout ou presque, d’un repoussoir. Négationniste de lui-même (couleur, sexe), bourreau désincarné de sa propre chair, peau, corps, visage martyrisés à volonté, infantilisateur militant, père aléatoire d’enfants conçus à bonne distance, phobique tous azimuts, sorte de mort-vivant volontaire et pur zombie social, l’homme de Neverland incarne au plus haut point la régression infantile en ses postures mortifères.
Refus de soi, refus d’autrui, refus du monde, bambisation polymorphe des pratiques sociales et captation pré-oedipienne du monde. Avec les nounours pour ultime horizon. Et partout, pendant ce temps, la mort lente à l’œuvre dans sa vie même. Autodestruction sans échappatoire. Jusqu’à la vraie fin, révérence ratée à l’orée d’un spectacle qui n’aura pas eu lieu. L’artiste. «Il aura été le Mozart du XXe siècle» a fulguré un quidam à la TV (Mozart aurait donc été le Michael Jackson du XVIIIe ?).
Moins qu’un chorégraphe métabolisant le ballet de corps érotisés, ce fut un pantin techno, téléporté sur scène ; un Game Boy ambulant ; un vidéoclip sur Photoshop abusant des syncopes aérobics. La musique ? Un soap bien fichu de supermarché kitsch, un disco-funk grandiloquent et pompier.
Où donc était la soul, dont Michael Jackson se voulait le grand prêtre ? La soul, c’est-à-dire l’âme. Quant au fameux moonwalk, cette marche feinte vers l’avant qui fait, d’autant, reculer le sujet dansant, c’est le symbole en acte, s’il en est, d’une existence tournée toute entière vers l’arrière, vouée à une régression rêvée vers «le vert paradis des amours enfantines», cher à cet autre amant des choses morbides que fut Baudelaire.
Telle est l’idole, tel est le maître et les valeurs d’exemple, si l’on peut dire, que pleurent ses fans innombrables. Qu’il existe, petits ou grands, anonymes ou célèbres, des Michael Jackson de tous ordres et de toutes disciplines qui font profession publique de leurs manques et de leur mal-être pour tenter de s’en délivrer est dans l’ordre psychique des choses, en ces temps débordés où la loi des pères est désormais une ombre. En revanche, que des millions d’individus occidentaux et autres, appelés demain aux travaux citoyens des sociétés techno-démocratiques, aient élu ce parangon pathétique de toutes les régressions modernes en dit long sur le malaise, aujourd’hui, dans la civilisation. En matière de régression collective, on a connu le pire, dans un passé peu lointain. Et la musique, serait-elle, comme ici, un masque, une fiction, qui n’a jamais tué personne ?
Pour autant, l’extase nécrophile qui s’est emparée du village planétaire, à l’heure où la crise en toute chose devient la norme de la marche du monde, est de mauvais augure. L’enfant est le père de l’homme, disait Freud. Soit. Mais on n’est pas obligé d’en rajouter dans les louanges à l’enfant-roi. Surtout quand celui-ci, infortuné, s’est, jour après jour, condamné à mort d’être tel, en pure perte de soi et d’autrui.
Michael Jackson et Donald Trump
Eh bien, le malaise, aujourd'hui, dans la civilisation nous a apporté l'élection de Donald Trump à la présidence des État-Unis.
Pendant sa course à la Présidence Donald Trump a usé des pires stratagèmes pour être élu, il s'est même souvenu de son bon ami «Michael Jackson» offrant ce qu'il a appelé «la vraie Histoire du Roi de la Pop».
Il a rappelé comment Jackson vivait à la Trump Tower, et même dans l' un de ses clubs VIP, le Mar-a-Lago, et de son ex-épouse Lisa Marie Presley. «Il est resté dans la Trump Tower pendant une semaine avec elle et ils ne descendaient jamais», a déclaré le magnat. «Je ne sais pas ce qui se passait mais ils s'entendaient». «C'était un homme incroyablement talentueux. Il a perdu confiance en lui. Il a perdu énormément de confiance en raison de, honnêtement, une mauvaise-mauvaise-mauvaise chirurgie. Il a eu le pire. c'était tout simplement incroyable » les chirurgiens ont profité de son argent, a continué Trump, faisant référence à la chirurgie faciale que Jackson avait subi. - Croyez-le ou non, quand vous perdez votre confiance en quelque chose, vous pouvez même perdre votre talent.
(Réactions des fans après ce discours : Je détestais Donald Trump, maintenant je l'aime - ou encore : Même Trump aime Michael, je veux dire comment quelqu'un peut-il le haïr ? - Trump est beaucoup plus intelligent que les médias veulent nous le faire croire et savoir. - Mes respects pour Donald Trump - etc....)
Trump, qui hait les femmes, autant qu'il en tire profit, aurait pu utiliser en fond sonore, pendant ses meetings, certaines chansons de Michael Jackson qui collent aux dires du milliardaire, comme «Dirty Diana» (Obscène Diana), «Superfly Sister» (Superficielle Soeur) ; Dangerous ou encore Blood On The Dance Floor. Et en tant que «pro-life» : « Song Groove » (A/K/A Abortion Papers) ... une véritable charge contre le droit à l’avortement.
Les gens se fichent que Trump, soit vulgaire, menteur de manière stratégique, mégalomane, narcissique, manipulateur, xénophobe, cruel, il est un show-man à la rencontre du culte de la célébrité et de la politique. Les Républicains auraient pu présenter Mickey Mouse à la présidence. Ils auraient obtenu un nombre tout à fait significatif de voix ! Ou Michael Jackson depuis sa tombe et ça aurait marché ! Trump, Il crève l'écran, il est charismatique, c'est une sorte d'icône...Mais il est une invention, une fiction (à l'instar de Michael Jackson, ou vice-versa) Mais les gens sont fascinés par le personnage de Donald Trump, comme ils le sont par celui de feu Michael Jackson.
Le manque de fureur morale est en partie responsable de ce qui est arrivé. le fait qu’il n’y ait pas eu de jugement immédiat et rédhibitoire contre Trump ou Michael Jackson devrait être une source de honte.
On ne saurait donc se tromper en préjugeant de la moralité d’un individu d’après celle de ses intimes. Ils le caractérisent, et c’est en eux qu’il faut le chercher, s’il prend le parti de dissimuler. On doit à coup sûr l’y trouver tel qu’il est.