14 Mars 2017
Le mouvement naturel de la célébrité s'oriente vers un « toujours plus » . Le tourbillon des débuts lance une dynamique. L'attrait pour la vitesse, le vertige ou l'ivresse persiste. Tout semble plus facile si la star renonce définitivement au contrôle, si elle suit le mouvement sans le décider. C'est tellement plus simple de laisser le «système» diriger et de jouir sans entrave de sa mégalomanie.
Il existe pourtant des moyens de défense : ne pas toujours aller dans le sens du public ou du business qui, de toute façon, veut vous posséder jusqu'à la dernière particule. Ne pas hésiter à décevoir, à refuser...Bob Dylan est arrivé à se faire détester de son public; c'était peut-être sa manière à lui de reprendre le contrôle de sa vie - même si, il faut bien le dire, il n'avait jamais été très tendre avec ses fans. En 1965, il abandonne les fripes du chanteur contestataire, jette sa guitare folk et se branche sur l'électricité, ce que l'Amérique considère comme une infamie. Mais n'est-ce pas, au fond, le meilleur moyen d'être tranquille ? Ne m'aimez pas pour mon image, semble-t-il dire, mais pour ce que je suis vraiment. Il ne sera jamais là où on l'attend. Ça ne suffira pas, pourtant, et quelques années plus tard c'est un accident de moto qui l'obligera à faire une pause et à se retrouver. Néanmoins, il a su préserver assez tôt son identité, ne jamais devenir esclave de l'attente du public.
Les Beatles, se sentant des jouets entre les mains du public, décident d'arrêter les concerts. Sur scène, ils ne s'entendent plus jouer et se rendent compte que le public ne les écoute pas. ils décident donc, après un concert cauchemardesque à San Francisco, de mettre un terme à ce qu'ils appellent «ces foutus rites tribaux». Ils se consacrent à partir de 1966 au travail d'orfèvrerie qu'est la réalisation de chacun de leur disque. Chaque sortie d'album sera l'occasion de montrer au monde des joyaux plus beaux les uns que les autres. Et, en même temps, il sauvent leur peau.
Leonardo DiCaprio maîtrise parfaitement son image et sa carrière. Il choisit ses rôles et est intimement lié avec des réalisateurs de génie qui l'accompagnent dans son oeuvre. Il est acteur de sa propre vie. Ce fut déjà le cas emblématique de Clint Eastwwood, qui a fondé sa propre société de production puis est passé brillamment à la réalisation. Investir dans sa propre créativité est une valeur sûre pour l'ego, une sorte de «développement durable» pourrais-je dire !
Une star comma Lady Gaga a trouvé le bon équilibre : Elle s'est inventé un personnage de sur-femme, très symbolisé, qui correspond à quelque chose, d'elle, sûrement, mais elle ne confond pas le fantasme et la réalité. Dans la vie courante, c'est une Italienne New-Yorkaise, qu'on ne reconnaîtrait pas dans la rue.
Le grand paradoxe de la célébrité est que le vrai «moi» pense qu'il est devenu célèbre, alors que ce n'est pas lui, mais son double, quelqu'un d'autre qui porte son nom. Toute la difficulté est de trouver la bonne distance : Si l'image que l'on a de soi se confond avec celle de son double, c'est catastrophique, comme dans l'exemple de Michael Jackson.
Un des buts d'une célébrité réussie est probablement de quitter les hauteurs pour tenter de retrouver sa taille humaine. Il faut alors tout dégonfler. Trouver plus grand que soi tout en préservant sa propre stature est un bon moyen de se garder de la mégalomanie.
Michael Jackson a fait tout le contraire, il était surtout entouré d'enfants....et dormait avec eux.
En marge d'une carrière émaillée de succès colossaux, la vie personnelle du roi de la pop a souvent été rythmée de délires en tout genre. Michael Jackson semblait parfois être venu d'une autre planète. Son nom est également souvent associé à celui de « Neverland », le ranch californien qu'il avait transformé en résidence avec un parc d'attractions. Manèges, train à vapeur, grande roue et même ménagerie se dévoilaient aux visiteurs entrés par les massives portes de la demeure, en retrait d'une route départementale, une fois passé le panneau «Attention, enfants en train de jouer».
Après son retour en Californie début 2009, le «roi de la pop» s'était installé dans le riche quartier de Holmby Hills, dans l'ouest de Los Angeles. Il y louait une villa pour 100 000 dollars par mois.
«Michael Jackson est le parfait exemple de quelqu'un qui a été détruit par le niveau de gloire qu'il avait atteint», expliquait en 2008 à l'AFP Robert Thompson, professeur d'audiovisuel à l'université de Syracuse (New York, est).
Jusqu'au bout, sa carrière aura été marqué par les excès. Alors qu'il devait revenir sur scène à Londres en juillet 2009, les journaux avaient rapporté les dernières tendances mégalomanes de Michael Jackson, désireux de réaliser une mise en scène unique. «Il espérait faire le show le plus spectaculaire. Pour la partie jungle, il voulait monter sur un éléphant emmené par des panthères reliées par des chaînes en or. Les perroquets et autres oiseaux devaient voler autour de lui»
Derrière la star l'homme était devenu humble nous a-t-on martelé !
Décidés à se prémunir du star-système qu'ils détestent tant, le duo électro français Daft Punk, (formé par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo), qui cartonne dans le monde entier, ont recours à des casques de robots pour protéger leur intimité. De fait on connaît très peu de choses sur leur vie privée. Tout au plus sait-on que Thomes Bangalter, fils de Daniel Bangalter, un des auteurs-producteurs de la Compagnie Créole, est marié à la comédienne Elodie Bouchez avec qui il a deux petits garçons, Tra-Jay et Roxan.
Deux Grammy Awards, en 2009, viennent récompenser leur album «Alive 2007» enregistré en public. Et en juillet 2010, le groupe est fait chevalier de l'ordre des Arts et Lettres.
En mai 2013 sort leur album «Random Access Memories», précédé de quelques semaines par le single «Get Lucky» , réalisé en collaboration avec Pharrell Williams et Nile Rodgers. C'est un triomphe. «Get Lucky» est en tête des ventes sur iTunes dans 92 pays et «Random Access Memories» s'approche des trois millions d'exemplaires vendus. Les Français casqués ont même droit aux honneurs du très sérieux journal économique Wall Street Journal qui, en novembre 2013, leur consacre la une de son numéro sur l'innovation.
The Weeknd, vient de dévoiler un tout nouveau clip, celui de I Feel It Coming, et les Daft Punk s'y offrent une apparition en chaire et en casques !
De sa douce voix, The Weeknd chante «I Fell It Coming».
Direction les étoiles et plus précisément une planète désertique, théâtre de la romance entre le chanteur et une sublime créature extraterrestre. Vêtu d'une veste à la Michael Jackson, dont il emprunte le groove et quelques pas de danse, The Weeknd goûte aux saveurs locales dans les bras de cette inconnue à la peau d'or lorsqu'une malédiction les frappe de plein fouet. Victime du courroux des divinités célestes, les deux tourtereaux sont transformés en statue de pierre...A la fin, alors que la glace a recouvert la surface, deux explorateurs surmontés d'un casque de robots découvrent une étrange gemme violette.
Pour la nouveauté, on repassera. Cette histoire est une mythologie d'amour contrarié ; un truc à la Orphée et Eurydice avec un gros plan sur un serpent ( genre le serpent qui incita Eve à croquer dans la pomme)...Tout ça, tout ça...
Les Daft Punk, pourtant si attachés à leur anonymat, ont fait une entorse à leur propre règlement début 2016. Pour la beauté de l'art, les deux musiciens Versaillais se sont laissés observer sans leurs casques.
Le français Xavier Veilhan est l'un des seuls aujourd'hui à pouvoir décrire les profils des auteurs de «Human after all». Le plasticien a réalisé dans le cadre de l'exposition Music présentée dans les galeries Perrotin à New-York et ensuite à Paris, une sculpture d'1.61 m en contreplaqué de bouleau des Daft Punk à visages découverts, mais les yeux protégés par des lunettes.
Si les gens veulent savoir à quoi nous ressemblons dans la vraie vie, ils devront regarder la sculpture.
Mais l’oeuvre étant laissée à l’état brut du bois, il sera difficile de les reconnaître même sans leurs casques.
Les deux artistes qui mènent une vie normale ne sont donc plus tout à fait anonymes aux yeux de certains observateurs. Guy-Manuel de Homen-Cristo serait le personnage de gauche, plus petit, tandis que son fidèle acolyte Thomas Bangalter, plus grand et barbu, se tient à droite, au second plan.
«Nous essayons de séparer notre vie privée de notre vie publique. La célébrité nous embarrasse. Nous ne voulons pas être reconnus dans la rue. Les médias ont accepté de nous laisser porter des masques, ce qui nous ravit. Peut-être que cela déçoit les gens, mais c'est la seule façon pour nous de faire de la musique. Il ne faut pas forcément faire la une des magazines pour faire de la bonne musique», déclaraient les deux artistes dans une interview en 2007.
Après quinze ans de carrière, rien ne semble pouvoir ébranler le succès des Daft Punk ni leur anonymat bien protégé par leur casque légendaire.