12 Avril 2017
Peut-on à la fois adorer un personnage et le voir transgresser régulièrement les règles du jeu social, voire de la morale ? C'est une énigme qui tient à l'âme humaine.
Je prends pour exemple Cristiano RONALDO UN FRAUDEUR BIEN AIMÉ de ses fans.
Vénéré pour ses exploits sur le terrain, désavoué pour ses agissements frauduleux, lire ici , il force ses fans à un grand écart affectif.
Le 3 décembre 2016, le match entre deux des meilleures équipes du monde – le FC Barcelone et le Real Madrid – opposait les deux plus grandes stars planétaires de ce sport : Lionel Messi, le surdoué aux cinq ballons d'or, et Cristiano Ronaldo, champion d'Europe avec le Portugal et récent quadruple ballon d'or. Mais après le scandale des Football Leaks, tout le monde pensait en même temps que ce match mettait face à face un homme récemment condamné à 21 mois de prison avec sursis pour fraude fiscale et un autre ayant dissimulé 150 millions de revenus au fisc espagnol.
Parler de football aujourd'hui, c'est évoquer un paradoxe : la popularité de ce sport spectacle ne cesse de croître, alors que d'année en année les scandales le ternissent. D'où une contradiction : comment continuer de supporter son équipe quand ceux qui la représentent se couvrent d'opprobre ?
Quand on adhère à une cause (qu'elle soit footballistique, musicale ou politique), une réaction courante face à de telles accusations est la dénégation indignée : « On veut déstabiliser l'équipe et ses héros. » « C'est de la jalousie. » « Pourquoi lui et pas les autres ? » La réaction peut être encore plus radicale contre des rabat-joie qui viennent gâcher le plaisir. Un supporter déclarait ainsi après des révélations sur le financement de son club : « D'où vient l'argent ? on s'en fout ! » L'essentiel est de gagner, et non de « participer » comme le pensait Pierre de Coubertin. Vis-à-vis du champion, grassement payé, amateur de bolides et d'arrangements divers, pas l'ombre d'un reproche s'il assure le succès de son équipe. À l'inverse, ce sera la condamnation sans appel pour le joueur tout aussi fortuné qui n'a pas « mouillé le maillot », a démérité ou, pire encore, a trahi les siens pour un juteux transfert. Le premier est « récompensé » de ses justes efforts, alors que le second « se gave » et suscite des critiques acerbes sur les excès financiers du football. Le succès avalise les excès, l'échec les exacerbe.
Ces réactions éloignées de la morale commune sont particulièrement vives quand le joueur est un héros local ou national et le club le symbole de l'identité de la ville. C'est le cas dans des villes nostalgiques de leur grandeur passée, se sentant victimes d'une histoire mal écrite, et stigmatisées de l'extérieur. Tel fut le cas à Naples. Dans les années 1980, Maradona y est devenu un héros dès son arrivée et, plus encore, après les victoires du club en championnat d'Italie (1987, 1990) et en coupe européenne (1989). Voici comment le présentait un chroniqueur : « Avec ses courtes pattes, son torse bombé, sa gueule de voyou et son diam dans l'oreille, Diego était devenu pour nous un vrai Napolitain. Son amour des belles filles et de la bonne bouffe, sa folie des bolides (…) et, en même temps son côté église et famille sacrée (…), son sale caractère, capricieux, exubérant, indiscipliné, tout cela faisait de lui un vrai fils légitime de la cité. »
L'identification était telle qu'on lui attribuait volontiers des origines napolitaines, certifiées, disait-on, par un œil malicieux rappelant celui des scugnizi (gamins) des quartiers populaires de la ville. Cette légende dorée a été ternie par de graves turpitudes : la consommation de drogues dures, des relations suspectes avec un clan camorriste, un usage abondant du téléphone rose, une paternité illégitime, des violences… Néanmoins, l'année de son départ de Naples, des intellectuels composèrent un Te Diegum. Aujourd'hui c'est toujours dans la ville la référence majeure ; quand on le mentionne on n'emploie pas son nom mais le pronom personnel de la troisième personne (lui en italien ou isso en napolitain). On continue de vanter son comportement, et ses apparitions au stade San Paolo sont, dit-on, porteuses de bonne fortune, de victoire contre une équipe adverse. La fusion entre Naples et Maradona demeure donc totale. Malgré tout.
À Marseille, ville qui se sent aussi « victime », les réactions des supporters lors de l'affaire OM-VA en 1993 (la corruption de joueurs de Valenciennes par les dirigeants de l'OM pour s'assurer la victoire) participèrent du même registre : la dénégation de toute faute. Il est vrai que les réactions indignées les plus vives s'exprimèrent quand le doute était encore permis (mais si peu). Rappelons-nous ce qu'écrivaient alors des supporters : « Nous sommes malmenés par la France entière », « On veut démolir une équipe de foot mais surtout une ville », « C'est une affaire rocambolesque montée de toutes pièces », « Un complot de jaloux qui veulent la peau de notre club », « Une magouille parisienne »…
Mais si la partisanerie atténue ou occulte la faute des nôtres tout en grossissant jusqu'à la démesure celle des autres, le supporter ordinaire n'est pas pour autant aveuglé par sa passion et incapable de distance critique. Ou plutôt sa personnalité se trouve comme scindée en deux ; d'un côté le citoyen moraliste, révolté par les turpitudes, de l'autre, le supporter soutenant son équipe et ses vedettes contre vents et marées. Un « double je » en somme, qui réagit différemment selon les moments et les circonstances. C'est que s'encombrer de considérations morales pendant le déroulement d'un match serait se priver de ce qui fait le piment du spectacle sportif, le fonctionnement à plein des émotions. Le match, en effet, à l'instar des grands genres artistiques, fait éprouver, en 90 minutes, toute la gamme des émotions que l'on peut ressentir dans le temps long et distendu d'une vie : la souffrance, la haine, l'angoisse, l'admiration, la joie, le sentiment d'injustice… Mais pour faire le plein de ces émotions, encore faut-il être un partisan sincère et sans retenue (ce n'est bien sûr pas là une obligation morale mais une nécessité psychologique). Quoi de plus insipide, en effet, qu'une rencontre sans « enjeu », où l'on ne passe pas du « ils » au « nous », où l'on ne se sent pas soi-même acteur ? On appréciera sans doute la qualité technique de la partie, la beauté du jeu, les prouesses des athlètes mais on ne ressentira pas le piment et la plénitude dramatiques du spectacle. Si la recherche d'émotions (que le sociologue allemand Norbert Elias appelait the quest for excitement) est un des ressorts essentiels du spectacle sportif, la partisanerie est la condition nécessaire pour assurer un maximum d'intensité pathétique à la confrontation.
Même « double je » sur les routes du Tour de France; les spectateurs sont bien conscients des pratiques illicites des coureurs, du dopage de mieux en mieux dissimulé. Ils viennent cependant par milliers acclamer les coureurs. Quels que soient les soupçons, parcourir de longues étapes, franchir plusieurs cols d'affilée demeurent des exploits qui suscitent l'admiration.
Même «double je» pendant les concerts de Jackson, les spectateurs sont bien conscients du playback, et qu'il est sous l'influence de la drogue. Ils viennent cependant par milliers acclamer le chanteur. Quels que soient les soupçons qui pèsent contre lui. Ses performances scéniques demeurent des exploits qui suscitent l'admiration.
Le « double je » s'éprouve encore quand on compare la mansuétude du supporter pour une tricherie des siens dans le jeu et la sévérité du citoyen pour une tricherie en dehors du jeu. Si le supporter se révolte contre l'arbitre infligeant une sanction à l'un des nôtres qui a retenu un adversaire par le maillot ou a fait une faute de main (bien sûr involontaire !), il sera moins indulgent vis-à-vis d'une personne pour une infraction dans la vie ordinaire. Sur le terrain, une petite tricherie – un moyen parmi d'autres pour s'en sortir – « fait partie du métier », disent les joueurs. Les supporters leur font écho. Tout l'art du contrevenant, pris la main dans le sac et comme en flagrant délit, consiste à présenter sa friponnerie comme une erreur involontaire pour atténuer la sanction et, s'il est victime ou prétend l'être, de présenter l'erreur de l'autre comme une tricherie. Les roueries des nôtres sont en général excusables. « Vous avez vu, commentait un supporter à l'issue d'une partie remportée in extremis par les siens sur une action litigieuse, ils ont multiplié les exploits, tapé sur la barre, ça ne voulait pas rentrer. C'est normal qu'ils se soient un peu aidés de la main. »
Redevenu citoyen, le supporter ordinaire n'aura pas la même mansuétude pour les autres fraudeurs. Celui-ci, dira-t-il, doit être exemplaire. Alors, cette ambivalence pourra-t-elle s'acclimater des scandales de plus en plus retentissants qui entachent la réputation morale de certains sportifs, artistes, politiques etc.. ? Les ressources du psychisme pour penser à la fois une chose et son contraire semblent inépuisables…
Cristiano Ronaldo a BIEN SUR clamé son innocence sur le sujet, après avoir reçu le ballon d'Or 2016. «J'ai bien fait les choses. Il y a beaucoup d'innocents en prison. Et moi, je me sens un peu comme ça» même s'il a reconnu que ces événements lui avaient «un peu gâché son plaisir»...Le Portugais a même conclu son entretien avec France Football en déclarant serein : «La vérité finit toujours par éclater. Tôt ou tard !»
Une fraude ? Quelle fraude ? Le directeur de la banque Suisse Mirabaud assure que les journalistes à l'origine de toutes ces révélations n'ont rien contrôlé et que beaucoup d'informations sont fausses !!! Les coupables sont tout trouvés: salauds de journalistes! Un classique quand le temps se couvre. Ah, les boules puantes !
Mais Ronaldo , au Real ou au Portugal, est bien plus fort que les scandales...Ainsi vont les choses humaines, qui varient selon les hommes et les circonstances. La pureté n'est pas de ce monde, y compris en matière de football. Pour ce qui est du comportement de «Ronaldo» citoyen, Rien, il ne sera pas inquiété, Le football, n'est pas affaire de morale, mais d'esthétique avant toute chose.
Plus grave encore : Inculpé le 18 décembre 2004, Michael Jackson avait fait savoir à plusieurs reprises qu'il contestait cette accusation, la qualifiant de «gros mensonge». Son avocat Mark Geragos avait déjà mis fin au suspens en annonçant dans un communiqué : «Michael va plaider non coupable». Le chanteur était sous le coup de neuf chefs d'inculpation, dont sept directement liés à «une conduite sexuelle obscène» envers un mineur. Deux autres chefs d'inculpation l'accusaient d'avoir fait administrer à un mineur des substances enivrantes avant d'abuser de lui sexuellement.
Malgré des preuves accablantes, Michael Joseph Jackson n'a jamais été condamné pour pédophilie ....lui aussi était bien plus fort que les scandales !
Très souvent dans les scandales, celui qui est incriminé se défend soit par la thèse du complot, du mensonge, la thèse de complicité entre la presse et la justice, se clame incapable de faire ce dont on l'accuse, se dit innocent. Sans jamais porter plainte pour diffamation ...Un schéma très classique !
Quel mauvais esprit de suggérer qu'une star puisse être coupable de quoi que ce soit!