25 Avril 2018
Ce pasteur Américain refusait le recours à la violence pour mener le combat auquel il s'était voué corps et âme : L'égalité entre les Noirs et les Blancs. Les mots et les actions pacifiques étaient ses armes. Jusqu'à ce jour où il a été assassiné à Memphis, il y a exactement cinquante ans.
En ce 4 avril 1968, une certaine effervescence règne au Lorraine Motel de Memphis, un bâtiment de confort moyen, tout en longueur, avec un seul étage, auquel on accède par l'extérieur, sur une passerelle courant d'un bord à l'autre. Des portes peintes en vert délimitent les chambres, grandes, mais meublées simplement.
Dans la chambre 306, un homme se repose, un homme connu du monde entier, adulé par certains et haï par d'autres. Il a 39 ans ; c'est le pasteur Martin Luther King, chantre de la cause des Afro-Américains depuis treize ans. Il est inquiet et fatigué. Son combat lui échappe un peu. Malgré sa détermination à vouloir prouver que la non-violence est la meilleure arme pour venir à bout de la ségrégation raciale dans ce pays qu'il aime, il se sent dépassé par les mouvements parallèles prônant la violence en réplique à celle des racistes de tous poils.
Il sent un danger planer sur lui et repense à son discours de la veille, prononcé devant vingt mille personnes :
Comme tout un chacun, je voudrais vivre longtemps, mais, pour moi, maintenant, cela n'a plus d'importance [...] Dieu m'a permis de monter au sommet de la montagne ; et j'ai vu la terre promise. Peut-être que je ne viendrai pas avec vous là-bas, mais je veux que vous sachiez, ce soir, que nous, en tant que peuple, nous allons atteindre la Terre Promise.
Martin Luther King n'aurait pas dû être dans la chambre 306. Une réservation était prévue pour une chambre au rez-de-chaussée, mais quelqu'un l'avait annulée pour le transférer à l'étage.
De même, l'équipe de jeunes inspecteurs noirs, chargée habituellement de sa protection, est absente, et les policiers de la ville, chargés également de le protéger, ont été écartés par le chef de la police Frank Holeman, un ancien du FBI, dont le grand patron, J.Edgar Hoover, voue une haine féroce à Martin Luther King. Peu importe, cela n'empêche pas Martin Luther King de continuer à soutenir la grève des mille trois cents éboueurs noirs, exploités avec un salaire de misère à un dollar cinquante de l'heure et travaillant dans des conditions lamentables, sous la houlette de surveillants blancs racistes, aussi durs qu'au temps maudit des plantations. Pouvant être licenciés, s'ils arrivaient au travail une minute en retard ou s'ils «répondent» au patron, ils doivent avaler leur repas de midi en quinze minutes, et qu'il pleuve, qu'il vente ou que le soleil cogne, comme souvent à Memphis, interdiction de se mettre à l'abri pour une pause !
Au début de la grève, les jeunes noirs avaient défilé avec des pancartes : «Je suis un être humain». Mais le jour où Martin Luther King s'était joint à leur cortège, pour la première fois, certains avaient répondu aux provocations policières par la violence. Un adolescent avait été tué par balles, des boutiques pillées et incendiées. Memphis avait été déclaré en état de siège. Martin Luther King avait dû fuir pour sauver sa vie. Cela le chagrinait.
Treize ans auparavant, en 1955, le jeune Martin, docteur en théologie, prend ses fonctions de pasteur baptiste à Montgomery, une petite ville de l'Alabama. Deux ans plus tôt, le 18 juin 1953, il s'est marié contre l'avis de ses parents, avec Coretta Scott, une jeune femme de 26 ans, qui a grandi dans la ferme familiale de Marion, en Alabama. Coretta a rencontré Martin en faisant ses études de musique à Boston. Elle est belle, vive et très impliquée dans la cause de l'avancement des personnes de couleur.
Un siècle est passé depuis l'abolition de l'esclavage par Abraham Lincoln, mais dans cet État du Sud, la domination blanche sévit toujours. Le tout puissant Ku Klux Klan fait régner la terreur dans la population noire, allant des coups jusqu'au lynchage, et des lois rigides imposent la séparation des races. Que ce soit dans les bâtiments publics, les bus ou les écoles, on ne se mélange pas....Les «nègres» ont leurs écoles, leurs restaurants, leurs cafés et les places du fon, dans les bus. Gare à ceux qui se risqueraient à passer outre !
Justement, le 1er décembre 1955, à Montgomery, Rosa Parks, une jeune couturière noire, décide que ça suffit. Elle s'assied vers le milieu du bus et refuse de refluer à l'arrière, quand le chauffeur le lui ordonne.
Arrêtée et condamnée à quinze dollars d'amende, Rosa fait appel de ce jugement. Ses chances de gagner sont, pour ainsi dire, nulles, mais son courage a touché le jeune pasteur noir Ralph Abernathy et son ami Martin, dont l'épouse vient de mettre au monde leur premier enfant, Yolanda.
Ralph et Martin réunissent alors une cinquantaine de dirigeants de la communauté afro-américaine à l'église baptiste de la Dexter Avenue. Martin les persuade de répondre à l'humiliation constant des Afro-Américains, mais sans violence...simplement à travers un boycott total des bus de la ville. Le jeune Martin parle sans colère, mais avec détermination :
La haine ne supprime pas la haine. Seul l'amour y parviendra. C'est ainsi que justice nous sera rendue, lance Martin à l'assemblée.
Enthousiasmés par les paroles du jeune pasteur, les dirigeants fondent la Montgomery Improvement. Association, dont Martin est immédiatement élu président.
La veille du procès de Rosa, des dizaines de milliers de tracts sont envoyés aux quatre coins de la ville pour exhorter les Noirs à ne plus monter dans les bus. Le succès dépasse leurs espérances. Du jour au lendemain, les bus se vident de leurs quarante mille passagers de couleur, qui s’entraident pour transporter les plus âgés, tandis que les jeunes n'hésitent pas à se lever à l'aube pour parcourir à pied les kilomètres les séparant de leur travail.
Les dirigeants de la société de bus ricanent ; le mouvement sera éphémère. Erreur ! Les Noirs de Montgomery tiennent bon. Excédés par la perte de cette clientèle méprisée, mais qui leur rapporte, les dirigeants des bus portent plainte contre celui qui a lancé ce mouvement de protestation.
Du jour au lendemain, le jeune pasteur devient le leader de la cause noire. L'histoire se répand à travers le pays, et même au-delà. Les maisons de Martin et de Ralf sont attaquées à la bombe incendiaire, ainsi que quatre églises ; des boycotteurs sont pris à partie physiquement, mais finalement, après trois cent quatre vingt-deux-jours de boycott, la Cour suprême des Etats-Unis déclare la ségrégation dans les bus inconstitutionnelle et contestable. C'est une victoire et un déclic pour le jeune Martin. Il décide de partir en croisade, de consacrer son existence à obtenir pour les Noirs les mêmes droits civiques que les Blancs : Accès à l'université, droit de vote, etc. C'est le début d'une longue série de manifestations non-violentes, qui drainent de plus en plus de monde. Les médias s'intéressent à eux et des journalistes de télévision filment les violences, les humiliations et les harcèlements quotidiens subis par ces descendants d'esclaves, auxquels les États du Sud refusent l'égalité des droits. Le choc des images est si violent qu'une vague de sympathie déferle sur l'Amérique.
Dès lors, Martin Luther King ne s'arrêtera plus. En 1963, il accourt à Birmingham, dans l'Etat de l'Alabama, pour répondre à l'appel au secours du pasteur noir Fred Shuttlesworth, victime de plusieurs attentats à la bombe à son domicile et à l'église où il prêche. Dans cette ville, le Ku Klux Klan est très puissant. Les dirigeants de la cité, dont un tiers de la population est noire, exercent une ségrégation raciale des plus impitoyables. Ils sont appuyés par une police haineuse et violente, accompagnée de chiens dressés pour l'attaque.
Martin Luther King et ses amis organisent pacifiquement des marches et des sit-in dans les rues, les établissements publics, les restaurants, etc. Emprisonné en avril 1963 suite à une de ces manifestations pacifiques, le pasteur rédige alors, sur des morceaux de papier, une lettre-manifeste de son engagement et de son combat pour qu'enfin, les droits civiques des Noirs soient reconnus.
Quand vous avez vu des populaces vicieuses lyncher à volonté vos pères et mères, noyer à plaisir vos frères et soeurs ; quand vous avez vu des policiers plein de haine maudire, frapper, brutaliser et même tuer vos frères et soeurs noirs en toute impunité ; quand vous combattez sans cesse le sentiment dévastateur de n'être personne ; alors, vous comprenez pourquoi nous trouvons si difficile d'attendre. Il vient un temps où la coupe est pleine et où les hommes ne supportent plus de se trouver plongés dans les abîmes du désespoir. J'espère, Messieurs, que vous pourrez comprendre notre légitime et inévitable impatience.
De son côté, Coretta, qui vient d'accoucher de leur quatrième enfant, se démène pour que l'action de son mari et le contenu de sa lettre parviennent jusqu'à la Maison Blanche, jusqu'aux oreilles de John Fitzgerald Kennedy. Martin Luther King reçoit le soutien officiel du président des États-Unis et il est remis en liberté. Mais rien ne change à Birmingham.
Désespéré, et pour toucher plus sûrement les médias, le pasteur fait alors défiler, toujours pacifiquement, étudiants, lycéens et écoliers noirs, qui s'élancent en entonnant des chants de liberté. Des journalistes de tous bords sont présents. Personne n'osera toucher aux enfants. Erreur ! Malgré les caméras des télévisions, la police fonce sur eux, les matraque, lance ses chiens, les repousse à coups de jets d'eau de lances à incendie d'une pression telle que les enfants sont projetés en tous sens ; leurs vêtements sont arrachés ; leur corps marqué de bleus. Puis la police en arrête plus de six cents, dont le plus jeune est à peine âgé de 8 ans. A travers les images télévisées et les photos de journaux, le monde entier s'indigne contre cette violence.
A la Maison Blanche, après avoir vu une de ces photos publiée dans le quotidien The New York Times, John Fitzgerald kennedy lance :
Cela me rend malade. Ces événements sont honteux, et ces photos sont bien plus éloquentes que n'importe quel long discours explicatif.
Cela ne l'empêche pas d'autoriser J.Edgar Hoover, le patron du FBI, à mettre Martin Luther King sur écoute téléphonique. Hoover hait les communistes et il est persuadé que Martin Luther King est en cheville avec eux.
Martin Luther King est au sommet de sa popularité. En accord avec six autres chefs de mouvements pour les droits civiques des noirs, il organise une marche gigantesque sur Washington. Le 28 août 1963, plus de deux cent cinquante mille personnes de toutes origines se réunissent devant le Lincoln Memorial. Joan Baez et Bob Dylan chantent, et Martin Luther King prononce son plus célèbre discours :
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve ! Je rêve qu'un jour, même en Alabama, les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et soeurs...
Deux semaines plus tard, le 15 septembre 1963, le Ku Klux Klan frappe encore une église noire de Birmingham. Une bombe explose pendant la prière, tuant quatre adolescentes et blessant vingt deux enfants. Malgré l'atrocité, Martin Luther King continue à exhorter la communauté noire à ne pas répondre à la haine par la haine.
Le président Kennedy comprend qu'il est temps de faire rédiger le Civil Rights Act, la loi sur les droits civiques, ôtant toute base légale au racisme, et il en donne l'ordre à son administration.
Le rêve de Martin Luther King va enfin se réaliser. Il exulte. Hélas, le 22 novembre 1963, le président Kennedy est assassiné à Dallas. Lyndon B.Johnson, sudiste et ami d'Hoover, lui succède. Il repousse alors la promulgation de la loi.
Les ségrégationnistes blancs continuent à se déchaîner lors des manifestations. Coups, crachats, arrestations par centaines, police qui jette des manifestants à la mer, bombes, maisons brûlées...Les manifestants endurent ces violences sans riposter. L'Amérique s'incline devant ce stoïcisme.
Le 2 Juillet 1964, Lydon B.Johnson n'a plus le choix : Il signe la nouvelle loi civique de Kennedy. La même année, à Oslo, le comité du prix Nobel annonce que Martin Luther King est le lauréat du Nobel de la Paix. Cela déchaîne la rage d'un homme qui a toujours rêvé de recevoir ce prix : J.Edgar Hoover. Il fait alors une chose ignoble pour tenter de faire passer le pasteur pour un dépravé. Réalisant un montage audio des enregistrements des ébats sexuels extraconjugaux de Martin Luther King, réalisés lors de déplacements dans diverses chambres d'hôtels, il fait envoyer une copie au domicile du pasteur, accompagnée d'une lettre dactylographiée anonyme, l'incitant à se suicider, sinon les médias et les membres du comité Nobel seront avertis :
Tes diplômes honorifiques, ton prix Nobel (quelle sinistre farce!) et tes autres récompenses ne te sauveront pas. King, je te le répète, tu es lessivé. Tous ceux qui t'ont soutenu vont savoir ce que tu es réellement : une bête démoniaque et dégénérée. Il n'y a plus qu'une issue pour toi. Tu ferais bien de la prendre. Il ne te reste que trente-quatre jours avant que ta personnalité obscène, anormale, frauduleuse soit dévoilée à la nation.
Martin Luther King comprend que le paquet vient du FBI. La presse à scandale d'aujourd'hui aurait fait ses choux gras de ces enregistrements. Si le pasteur a été un mari infidèle, l'homme est bien trop respecté, et le procédé révulse. Ni la presse ni les membres du comité Nobel ne réagissent à réception des cassettes. Le coup bas d'Hoover échoue. Trente quatre jours plus tard, Martin part à Oslo pour recevoir son prix.
En 1966-1967, le pasteur essaie de rallier les quartiers pauvres du nord à sa cause, mais il se heurte à un racisme blanc teinté de fascisme. Cette violence entraîne, en retour, la création d'un mouvement noir plus virulent : Les Black Panthers, que Martin Luther King ne parvient pas à calmer. Des émeutes éclatent dans les quartiers noirs des grandes villes, devenues le théâtre de guerre raciales (cocktails Molotov, pillages, etc.) Il s'oppose à cette violence et hurle à la foule :
J'en ai assez de toute cette violence ; j'en ai assez de la guerre au Vietnam ; J'en ai assez des guerres et des conflits dans le monde ; J'en ai assez des fusillades, de la haine, de l'égoïsme.
Hélas, en condamnant aussi la guerre au Vietnam, il se met à dos plusieurs de ses soutiens, ainsi que la Maison Blanche. Pourtant cette guerre coûte des milliards et aggrave, en conséquence, la pauvreté en Amérique. Martin Luther King veut alors organiser une vaste marche des pauvres (Blancs et Noirs mêlés) sur Washington.
En cette fin d'après-midi du 4 avril 1968, Martin Luther King est donc au Lorraine Motel, à Memphis, avec son équipe. Sont présents les révérends Samuel Kyles, James Orange, Andrew Young et Ralph Abernathy, qui partage la chambre avec Martin Luther King. Ils doivent aller dîner chez Kyles, avant de participer à une réunion dans une église, et, pour se détendre, ils jouent comme des gosses dans la cour. L'heure tourne. Martin Luther King remonte sur la passerelle pour aller se changer dans la chambre. Quelqu'un lance que la soirée va être froide. Martin Luther King crie à Abernathy :
- Ramène-moi mon manteau !
Abernathy le jette négligemment sur son épaule. Martin Luther King se penche pour ajouter :
- Ne l'abîme pas, j'en ai encore besoin.
Kyles lance à son tour :
- Remuez-vous, les mecs ! On y va.
Quelque chose claque dans l'air. Young pense à un raté d'allumage de moteur. Mais Martin Luther s'écroule soudain, sur le balcon, une cigarette dans la main. Une mare de sang rampe autour d'un énorme trou dans sa mâchoire, fracassée par une balle. C'est la panique. Ses hommes qui attendaient dehors remontent.
Kyles lui retire sa cigarette de la main. Il comprend aussitôt que Martin Luther King est mort. Curieusement, des agents du FBI arrivent sur les lieux en deux minutes. Présent dans la chambre, le chauffeur de Martin Luther King leur désigne un buisson d'où monte une petite fumée, sur un terrain vague, juste en face du motel, mais les agents du FBI ne bougent pas..Ils restent agglutinés autour du corps de Martin Luther King. Quand ils se décident enfin à chercher le meurtrier aux alentours, il a déguerpi. Curieusement encore, le lendemain, le FBI oriente ses recherches vers la fenêtre d'une chambre d'un meublé, situé en face du motel, et découvre à quelques mètres, dans une entrée voisine, un sac contenant une carabine, désignée comme l'arme du crime, des sous-vêtements, un journal, une paire de jumelles et des empreintes à profusion.
Pourquoi laisser si près des objets sur lesquels il y a des empreintes ? Quel meurtrier peut être assez stupide pour s'enfuir, en laissant derrière lui des preuves accablantes de sa culpabilité ?
En attendant, la nouvelle du meurtre de Martin Luther King provoque une colère monstrueuse dans tout le pays. Des émeutes éclatent dans plus de cent quarante villes. A Washington, on compte sept cents incendies, quarante-six morts, trois mille blessés et vingt-sept mille arrestations. De jeunes noirs armés se vengent de sa mort dans une violence, que le pasteur a toujours combattue.
Cinq jours plus tard, le président Johnson déclare un jour de deuil national en l'honneur de Martin Luther King, le premier pour un Afro-Américain. Trois cent mille personnes assistent à ses funérailles dans sa ville natale d'Atlanta, en Géorgie. Son amie Mahalia Jackson chante son hymne favori, Take My Hand, Precious Lord, devant Coretta, très digne, accompagnée de leurs quatre enfants, Yolanda, Marty, Dexter et Bernice, âgés de 5 à 13 ans, et un parterre de personnalités venues rendre hommage à celui qui est mort pour les droits de son peuple, pour n'avoir fait qu'aimer et servir l'humanité.
Quatre mois plus tard, un homme est arrêté à l'aéroport de Londres et extradé vers les États-Unis. Il s'appelle James Earl Ray. C'est un prisonnier évadé, condamné pour attaque à main armée dans un supermarché. Ses empreintes ont été trouvées sur la carabine. Sur les conseils pressants de son avocat, Ray avoue le meurtre pour échapper à la chaise électrique. Il est condamné à quantre-vingt-dix neuf ans de prison. Ses aveux évitent un procès public, qui serait fortement embarrassant. Trois jours plus tard, comprenant qu'il sert de bouc émissaire à une enquête qu'on veut étouffer, Ray se rétracte et clame son innocence.
Je n'ai pas tiré. On m'a utilisé. C'est une conspiration. J'ai été contacté par un certain Raul et son frère Johnny. Contre sept cents dollars, j'ai acheté une carabine et je suis allé la déposer comme prévu, dans un hôtel de meublés, en face du motel. Mais au moment du coup de feu, j'étais reparti...sur la route, au volant de ma Mustang blanche.
Personne ne l'écoute. Il est incarcéré à la prison de Nashville, bien qu'il n'ait jamais été prouvé que la carabine était bien l'arme du crime, et malgré les témoignages du chauffeur de Martin Luther King et d'un journaliste présent, jurant avoir vu la fumée s'élever d'un bosquet, aux pieds du motel, et non de l'immeuble d'en face.
En 1977, une commission chargée d'enquêter sur l'affaire statua que James Earl Ray n'avait certainement pas agi seul et qu'un groupes d'activistes, proche du Ku Klux Klan, était derrière ce meurtre. Mais aux yeux de la commission, Ray restait l'homme qui avait pressé sur la détente. Le prévenu clamera son innocence jusqu'à sa mort, en 1998.
En 1993, à la stupéfaction générale, Loyd Jowers, le propriétaire du restaurant situé en face du Lorraine Motel, a avoué en direct, sur la chaîne TV ABC News, avoir reçu cent mille dollars pour organiser le meurtre de Martin Luther King, commandité par la mafia et par le gouvernement. Il a ajouté que le tireur était un policier de Memphis, qu'il avait lui-même conduit vers le terrain vague, par la porte arrière de son restaurant.
La justice ne bouge pas ! Elle ne fait rien ! Elle ne le croit pas...Et elle s'accroche aux preuves trop évidentes, trouvées dans un sac, vingt-cinq ans plus tôt.
A ce jour, le dossier de l'affaire est classé dans les archives nationales. Il est «inconsultable» jusqu'en 2029.
Le lieu du drame transformé en musée.
Le Lorraine Motel, situé au 450 Mulberry Street, dans le centre de Memphis, aux États-Uni, est entré dans l'histoire de la plus tragique des façons. Ce modeste hôtel d'une quinzaine de chambre avait ouvert ses portes au milieu des années 1920. En 1945, il avait été acheté et rénové par Walter et Loree Bailey. L'établissement avait la réputation d'être «friendly» aux Afro-Américains, c'est à dire que ses chambres n'étaient pas exclusivement réservées au Blancs. C'est ainsi que les artistes Ray Charles, Otis Redding, Aretha Franklin et Louis Armstrong ont séjourné dans l'hôtel.
Martin Luther King était également l'un de ses fidèles clients.
Le 4 Avril 1968, il partageait la chambre 306 avec l'un de ses amis. Ce jour là, le temps s'est arrêté au Lorraine Motel : Tandis que le pasteur succombait sur le balcon de sa chambre, Loree, la gérante, en entendant les coups de feu, s'effondrait, terrassée par une crise cardiaque. Après la mort de son épouse, Walter continua son affaire, mais ne proposait plus la maudite chambre 306. La pièce restée en l'état, fut ainsi préservée. Quand l'hôtel ferma ses portes en 1982, une association se mobilisa pour sauver le lieu et le réhabiliter. Depuis 1991, celui-ci abrite le musée national des Droits civiques.
Une journée dédiée à sa mémoire
Le Martin Luther King Day
Ce jour est férié, chaque année, le troisième lundi du mois de janvier.
Les Américains rendent ainsi hommage au pasteur, né le 15 janvier 1929, à Atlanta, en Géorgie, et à ses combats pour mettre fin à la ségrégation raciale. Peu de temps après l'assassinat du leader noir, de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu'une journée spéciale honore sa naissance. Pour la petite histoire, en 1980, le musicien Stevie Wonder a composé la chanson Happy Birthday en hommage à Martin Luther King. Le chanteur apportait ainsi son soutien à la promotion de cette journée particulière. En 1983, le président Ronald Reagan a accepté que ce jour soit institué. Finalement, le Martin Luther King Day est observé pour la première fois le 20 janvier 1986. A cette occasion, un concert est donné, auquel participent Bob Dylan et Stevie Wonder.