30 Janvier 2019
Témoignage d'un fan de Michael Jackson :
Une heure environ après le début de «Leaving Neverland», j'avais l'impression que mon coeur était brisé.
C'était la première journée du Festival du film de Sundance et le théâtre égyptien de Park City était plein à craquer pour la première du documentaire controversé, sur deux hommes qui affirment, que Michael Jackson les avait agressés sexuellement dans leur enfance.
Nous avions déjà entendu ces histoires auparavant, mais après une heure de projection, James Safechuck, l'un des accusateurs de Jackson, a commencé à décrire comment le chanteur l'avait initié à la masturbation alors qu'il n'avait que 10 ans. Les détails graphiques, étaient présentés avec une précision atroce. Pendant que Safechuck parlait, je n'arrivais plus à respirer. Je changeais de position et me recroquevillais sur mon siège, des poussées vertigineuses de tristesse, de rage et de confusion tourbillonnaient dans ma tête.
Les détails intenses se sont poursuivis sans relâche pendant quatre heures, et j'ai vite compris que «Leaving Neverland» me forcerait, et probablement de nombreuses autres personnes - qui ont un lien profond avec l'art de Jackson - à comprendre que nous ne le connaissions pas vraiment. Et que peut-être nous n'avons pas voulu voir la vérité.
Autre vérité : J'ai passé toute ma vie à aimer Michael Jackson.
Dans mes souvenirs sur Jackson, c'est en 1992, à l'âge de 5 ans, que j'ai découvert la spectaculaire vidéo «Remember The Time» que Jackson venait de publier, il était entouré de stars. Et je n'arrivais pas à retenir mon enthousiasme.
C'était la première fois que j'imitais Jackson. Je maîtrisais chaque pas, chaque rotation des pieds, chaque tic vocal et chaque grognement. Je le faisais à la demande des membres de ma famille. Il existe même des photos de moi pendant mes petites performances. Je pensais vraiment qu'il était l'homme le plus cool du monde. À l'âge de 9 ans, lors d'un voyage, j'ai supplié mes parents de faire un détour par Gary, dans l'Indiana, afin que je puisse voir où avait débuté l'histoire de la famille Jackson. Je voulais me rendre devant la petite maison familiale, où Jackson avait chanté et perfectionné ses talents.
Gary n'était pas très différent du quartier dans lequel j'ai grandi, à 250 km de Cincinnati. Voir où Michael et sa soeur Janet (une autre force motrice de mon amour pour Jackson) avaient grandi, fut le début de mon envie de suivre la trajectoire de sa carrière, et il en a été de même pour de nombreux autres jeunes garçons noirs. Il nous donnait l'espoir de pouvoir rêver sans limites. Même s'il s'était transformé physiquement, il était toujours à nous.
En tant que journaliste pour le Los Angeles Times, alors que je suivais depuis quatre jours les événements de mon premier concert de rêve - mon héros a fait un arrêt cardiaque, provoqué par le propofol et la benzodiazépine. Michael Jackson était mort et on m'a envoyé sur le Walk Of Fame à Hollywood pour interroger les fans en deuil. J'ai menti à mes rédacteurs en leur disant que j'étais «à peine» fan, craignant de perdre l'opportunité d'écrire pour lui. Mais sa mort ressemblait à un train qui m'avait percuté et j'ai pleuré devant l'immeuble du Times, avant de sécher mes yeux pour faire mon travail.
Depuis dix ans, j'écris sur la musique de Jackson, son domaine, sa marque et ses enfants. J'ai écouté ses chansons inédites à Marvin's Room, le célèbre studio où il a enregistré de nombreux disques indélébiles. Des frissons m'ont parcouru le dos lorsque sa voix résonnait entre ces murs. Je me suis rendu à Hayvenhurst, la maison de Jackson à Encino, pénétrant dans les pièces où il avait trouvé du réconfort. J'ai été champion pour relater les hommages posthumes quand ils étaient favorables et critique quand ils ne l'étaient pas. Et j'étais aux prises avec mes propres pensées au sujet des crimes odieux dont il était accusé. j'ai donc passé beaucoup plus de temps à lire les documents judiciaires, à étudier les allégations dont il était accusé, et bien que je veuille croire Jackson et ses défenseurs devant les tribunaux, il me devenait de plus en plus difficile de rester sur mes certitudes au fil du temps.
Bien sûr, il y avait ses excentricités au-delà de notre compréhension et son visage toujours changeant qui le rendait troublant dans la vie et la mort. Mais cela ne prouvait pas qu'il était le prédateur sexuel impliquant des enfants, comme certains le prétendaient. Lorsqu'il disait qu'il était incapable de faire du mal à qui que ce soit, et encore moins à un enfant, nous étions enclins à le croire, même si l'image d'un adulte partageant son lit, en rotation, avec des garçons, et les chiffres choquants qui illustrent la prévalence générale d'abus sexuels sur les enfants, auraient dû remettre en question cette hypothèse.
Pour moi, ces hypothèses avaient été contestées en 2013, lorsque Wade Robson s'est manifesté pour la première fois en affirmant que Jackson l'avait agressé sexuellement dans son enfance. C'était un renversement stupéfiant de la part d'un homme qui avait fermement défendu Jackson pendant des années et avait témoigné à deux reprises - une fois en 1993, alors qu'il avait 11 ans, et une autre fois en 2005, quand il était adulte - que son ancien mentor ne l'avait jamais maltraité. Robson et Safechuck expliquent dans le film qu'ils avaient peur d'admettre le présumé abus, qu'ils voulaient protéger Jackson et qu'ils avaient du mal à accepter leurs expériences.
Mais mon amour pour Jackson était distinct d'une manière ou d'une autre, enraciné dans ses messages d'amour, de paix et de guérison qui m'attiraient «comme un enfant» et qui devinrent la bande originale de ma vie. Sa musique était glorieusement inspirante, transcendante même. (Et encore - je n'ai pas encore compris ce que je vais faire à ce sujet) - Vous ne l'avez peut-être pas aimé, mais il y a probablement une chanson de lui qui n'a jamais quitté votre coeur. Et la façon dont cet homme se déplaçait et dansait sur scène ? C'était envoûtant. Il n'y a eu personne avant lui et il n'y aura personne après.
Mais j'ai quitté le théâtre Sundance en sachant que mon amour pour le grand artiste Michael Jackson ne pourrait jamais être dissocié du récit de l'homme, que peu d'entre nous connaissaient réellement.
Pour être clair, «Leaving Neverland» n'est pas un documentaire sur Michael Jackson. Appeler cela ainsi, ce serait rater le coche. C'est un film sur deux hommes unis par des expériences qu'ils décrivent comme dévastatrices, et les moyens qu'ils ont employés pour protéger un homme que beaucoup considéraient comme un dieu. Il s'agit de l'impact durable du traumatisme et du coût que cela peut avoir sur les victimes et leurs familles.
Le film met également au défi quiconque révérant Jackson de réfléchir à ce que nous avons tous vu se produire - dans l'histoire et le comportement de Jackson, ainsi que dans les accusations portées contre lui.
Nous sommes-nous posé assez de questions ? Étions-nous trop prompts à écarter les accusateurs qui étaient souvent au collège, sinon plus jeunes ? Pour ceux qui ont raconté leurs histoires, ça a dû être terrifiant de se mesurer à un géant comme Jackson. Le film nous demande de nous questionner sur le fait que nous ne leur avons pas accordé de crédit.
Nous avons cru en la douleur de Jackson, alors qu'il nous assurait qu'il ne pourrait jamais blesser un enfant. Mais avons-nous jamais vraiment pensé à ces jeunes garçons ?
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