29 Septembre 2017
Au mois de mars 2005 en plein procès, voici comment Michael Jackson, au micro du révérend Jesse Jackson pour la radio WGRB, exprimait son ressenti de l'évènement judiciaire :
C'est juste que ça fait mal d'être accusé en sachant dans mon cœur et par rapport à ce que j'ai vécu que je suis totalement innocent. Et ça me fait beaucoup de mal. Mais c'est un schéma classique qui s'est produit pour d'autres noirs célèbres dans ce pays...Je m'en sors grâce aux expériences d'autres gens qui ont vécu la même chose dans le passé. L'histoire de Mandela, ce qu'il a traversé, m'a donné beaucoup de force. L'histoire de Jack Johnson aussi, elle est incroyable ! Cet homme, en 1910, était un champion du monde poids lourd jeté dans une société qui ne voulait pas accepter sa position, sa façon de vivre. Un film parle de ce qu'ils lui ont fait subir et comment ils ont fait pour changer les lois pour le faire emprisonner, pour le coincer à tout prix...Et puis l'histoire de Mohamed Ali, celle de Jesse Owens, toutes ces histoires sur lesquelles j'ai lu beaucoup de choses me donnent de la force. Je suis arrivé à la fin du mouvement pour les droits civils, je suis un enfant des seventies. J'ai de la force grâce à Dieu et j'ai de la force en sachant que je suis innocent. Je suis quelqu'un de fort, je suis un battant. Mais c'est très blessant, au final je ne suis tout de même qu'un homme....
Michael Jackson se plaçait alors clairement sur deux fronts : Celui du complot raciste et celui de l'erreur historique, dont tant de grands personnages ont été victimes. Par-delà l'aspect très égocentrique de cette longue déclaration, on y décèle une forte tendance à la victimisation, une volonté de s'inscrire dans une longue tradition dont les racines remontent au temps de l'esclavagisme et de la lutte pour l'égalité. Habile stratégie. Il n'est pas étonnant que la communauté noire ait rendu un si vibrant hommage à la star au moment de sa mort, ni que ses représentants se soient trouvés au premier rang, au pied de son cercueil, lors de la cérémonie du Staples Center le 7 juillet 2009, même si un ancien employé de Jackson avait dit en 2003: «Michael a si peu d'attention pour les noirs qu'il les appelle «Spabooks».
Michael Jackson a-t-il été victime de racisme ?
MJ avait été reçu à la maison Blanche le 14 mai 1984 :
Reagan dans son discours déclare que Jackson a «permis de mettre en garde des millions de jeunes Américains contre les dangers de l’alcool au volant». Michael est «la preuve de ce qu’un individu peut accomplir dans une vie sans avoir recours à l’alcool ou à la drogue. Jeunes et vieux respectent cela. Et si les Américains suivent son exemple, alors nous pourrons affronter le problème de l’alcool au volant et, selon les paroles de Michael, «le combattre»
Le président Reagan remet alors la récompense Présidentielle Humanitaire, une plaque reconnaissant l’aide de Michael à cette campagne de lutte nationale, sur laquelle est inscrite :
«A Michael Jackson avec gratitude pour l’exemple remarquable que vous avez donné à la jeunesse de l’Amérique et du monde. Votre réussite sans précédent et votre prééminence dans la musique populaire rendent hommage à votre créativité, votre dévouement et vos dons remarquables. Votre contribution généreuse, en temps comme en talent, à la campagne nationale menée contre l’alcool au volant aidera des millions de jeunes Américains à comprendre que boire et conduire peuvent tuer une amitié».
C'était un énoncé qui s'avère amèrement ironique aujourd'hui.
Le 5 avril 1990, Michael Jackson est de nouveau reçu à la Maison Blanche par George Bush lors d’une cérémonie où il est félicité d’avoir été élu Artiste de la Décennie par le Capital Children’s Museum de Washington DC. Michael reçoit une récompense philanthropique pour ses activités en faveur des enfants. Le 41ème président des Etats Unis déclare :
«Je voulais simplement accueillir Michael Jackson qui a été nommé Artiste de la Décennie. Il a de nombreux fidèles. Il fait du très bon travail. Je voulais juste le faire venir ici et l’accueillir officiellement à la Maison Blanche, à nouveau. Je suis ravi que vous soyez là, Monsieur»
Le 1er mai 1992, George Bush accueille à nouveau Michael Jackson à la Maison Blanche pour lui remettre le Point Of Light Award, récompensant ses efforts incessants envers les enfants nécessiteux.
Le 12 mars 1993, la fondation Heal The World de Michael Jackson s’associe au projet Atlanta de Jimmy Carter pour l’initiative Heal Our Children et mettent en place un programme de vaccination (Immunization/Children’s Health Initiative) à destination des enfants de la ville d’Atlanta. Les deux hommes s’étaient rencontrés quelques temps auparavant dans la propriété de Neverland du chanteur.
Janvier 1993, Bill Clinton, qui a été élu en novembre 1992, doit prendre ses fonctions. Le 18 janvier 1993, Michael Jackson fait partie des invités et interprète We Are The World autour de Diana Ross, Stevie Wonder, Luther Van Dross, Barbra Streisand, Aretha Franklin, Ray Charles, Quincy Jones ….. Bill Clinton rejoint la scène également, accompagné de sa fille, Chelsea, et de son épouse, Hillary.
Le 30 novembre 2000, Michael participe au Angel Ball Honors, un gala de charité, à New York, organisé par la fondation Gabrielle & Philip, prenant part à la lutte contre le cancer. Au cours de la soirée, le Roi de la Pop est honoré, tout comme le Président Bill Clinton, en fin de mandat, et reçoit un Angel Ball Award, pour avoir largement contribué à la cause.
Le 24 avril 2002, Michael Jackson est à New York. L’ancien président Bill Clinton lui a demandé personnellement de venir chanter sur la scène de l’Apollo Theater de Harlem.
Tout au long de sa vie, Michael s'est donc approché des grands Hommes blancs du pouvoir, sauf de George W.Bush, qui ne lui a pas envoyé de fleurs, ni de lettre de félicitation lorsqu'il a été une nouvelle fois accusé de pédophilie.
Les relations entre les hommes politiques et les stars du show-business ne datent pas d'hier...La peopolisation de la vie politique est à l'image de la presse people : Elle existait bien avant de recevoir un nom de baptême. La peopolisation suppose donc que l'opinion publique joue pleinement son rôle, l'horizon de l'homme politique, soucieux de sa popularité, restant avant tout électoral.
Nombreuses sont les occasions où les stars interviennent médiatiquement dans des domaines qui ne sont pas les leurs : tout se passe comme si leur était supposée une sorte de compétence universelle acquise automatiquement lors de leur intronisation comme stars. Vous l'avez remarqué, les célébrités qui interviennent dans le débat public affichent toujours un discours très moralisant, compassionnel....comme un idéal à atteindre ..afin d'enrichir un positionnement.
Michael Jackson absorbé par la controverse ne pouvait plus tenir ce rôle .....
Le 4 novembre 2008, Barack Obama est élu 44ème président des Etats Unis. Il est le premier président afro-américain et des scènes de joie de la communauté noire éclatent dans tout le pays.
Le jour du cérémonial au Staple Center, le 7 juillet 2009, depuis l'Allemagne, où il est en voyage officiel, Barack Obama déclare : «Il n'y a aucun doute, il était l'un des plus grands artistes de notre génération, peut-être de n'importe quelle génération. Comme Elvis, Sinatra, les Beatles, il faisait partie intégrante de notre culture. Son talent extraordinaire et sa musique ont été mêlés a une grosse dose de tragédie ainsi que des difficultés dans sa vie privée. Nous ne pouvons l'ignorer, mais c'est important pour nous de nous rappeler le meilleur de lui».
Dans une interview de 2012 - Jermaine Jackson a déclaré que Barack Obama n'aurait pas été élu à la maison blanche, s'il n'y avait pas eu Michael Jackson, et il a exprimé sa déception profonde sur la façon dont la mort de son frère a été commémorée «Je pense que l'Amérique a laissé tomber Michael, s'il avait été de n'importe quel autre pays, ils lui auraient érigé des hommages permanents pour ce qu'il a fait pour la musique». Citant l'interview de Michael Jackson avec Oprah Winfrey en 1993 ; dans laquelle le chanteur disait souffrir du Vitiligo, il a affirmé que l'émission avait l'effet combiné de réitérer la patrimoine afro-américain de Jackson tout en propulsant Winfrey à la renommée. Le soutien de Winfrey à Obama dans les primaires de 2007 est cité par certains comme le moment qui a assuré sa nomination en tant que leader des démocrates. «Michael l'avait invitée à Neverland et c'est cela qui l'a rendue célèbre et l'a fait réussir. Qu'a-t-elle fait de ce succès ? Elle l'a placé derrière Obama».
Vrai Oprah Winfrey : En 2006, elle est devenue un soutien de la première heure de Barack OBAMA. Selon Wikipedia, une analyse a estimé qu'elle a permis l'obtention de plus d’un million de voix dans la course primaire des démocrates de 2008.
Vrai et Faux : Ce n'est pas Jackson qui l'a rendue célèbre en Amérique. Elle présentait «The Oprah Winfrey Show» depuis 1986, son émission télé a toujours été la plus populaire des États-Unis. C'est surtout en dehors des frontières des USA qu'elle s'est fait connaître par l'interview événement (suivie en direct dans le monde entier) qu'elle a réalisée avec MJ en janvier 1993, au domicile de ce dernier en Californie.
Né en 1954, Oprah Winfrey vécut un temps avec sa grand-mère dans une grande pauvreté, cette dernière trouvant tout de même l'occasion de lui apprendre à lire. Très vite, ses talents d’oratrice et d’actrice firent d’elle une excellente élève et, après avoir concouru pour le prix de Miss Black America, elle entama sa carrière à succès dans les médias. Classée comme la personnalité plus philanthrope de tous les temps, elle s’est engagée pour toutes les «causes perdues». Elle rappelait, en 2008, que sa grand-mère lui souhaitait de réussir à travailler « pour des Blancs qui seraient gentils avec (elle) ». «Je regrette qu’elle n’ait pas pu voir que j’ai grandi et que j’ai réussi à trouver des Blancs très bien qui travaillent pour moi» répliqua-t-elle.
Oprah Winfrey figure régulièrement dans le classement Forbes des milliardaires de la planète. Avec une fortune évaluée à 2,7 milliards de dollars (234ème fortune mondiale), elle est (et de loin) la personnalité noire la plus riche des États-Unis.
De nombreux chanteurs, acteurs et sportifs parmi les plus populaires sont des Afro américains: Beyoncé Knowles, Tiger Woods, Kobe Bryant, Michael Jordan, Jay-Z, Quincy Jones, Chris Tucker, Rihanna, Prince, Woopi Goldberg, Halle Berry, Jennifer Hudson, Janet Jackson, The Black Eyed Peas, etc... La liste est incroyablement longue.
Personne dans les hautes sphères du pouvoir aux USA n'en voulait à Michael Jackson. C'est ridicule ! En Amérique, être une star noire, riche, célèbre et adulée n'est pas un handicap. Il est également évident que toutes les personnes noires célèbres ne succombent pas inexorablement dans les excès, la destruction, et la pédophilie ! Les célébrités réussies, sont reconnues comme telles.
Si Martin Luther King pouvait voir les Etats-Unis des 30 dernières années , que penserait-il?
Il serait surpris. Surpris, en bien, par le développement de la classe moyenne noire qui a conquis des places importantes dans les hiérarchies économique, sociale ou politique alors qu'elle était encore très réduite dans les années 1960. Et surpris, de façon beaucoup moins positive, par l'appauvrissement des plus démunis de la communauté noire américaine, abandonnés au chômage ou aux trafics illicites, abandonnés par l'État et les politiques.
En publiant une déclaration officielle de la Maison Blanche sur une célébrité comme Jackson, quel message aurait envoyé Obama ?. MJ avait un pouvoir sans pareil. Son impact sur la société était incommensurable. Ses contributions à la musique, au divertissement pourraient être inégalées. Mais il y avait chez lui ce côté obscur, fort et inoubliable !
Mark Knoller de CBS a mentionné sur son blog : « Il était une superstar de renommée mondiale, mais une partie de sa vie ne méritait pas d'hommage de la part d'un président Américain». Ce sont deux valeurs concurrentes que le bureau des communications de la Maison Blanche a dû équilibrer pour prendre une décision. J'ai donc demandé à un ancien collègue, Mark Pfeiffe, ce qu'il en pensait, puisque ce dernier a été directeur des communication pour le Conseil National de Sécurité à la Maison Blanche de 2007 à 2009.»
Il m'a répondu :
«Le décès de Jackson est un moment national, mais je lui ai conseillé de publier une déclaration qui louait ses contributions au monde de la musique et de la culture pop, en équilibrant avec sa vie très inhabituelle est controversée. À certains égards, sa vie était comparable, au ralenti, à celle d'une épave de voiture».
«Le rejet d'une certaine partie de sa vie est dû au fait que des victimes auraient pu se révolter contre un encensement ou que des gens puissent prétendre que le président n'était pas axé sur la moralité. Il y avait une chance sur deux que cela se produise». - (Mark Pfeiffe) -
En fin de compte, ces déclarations présidentielles nous révèlent non seulement la vie d'une personne qui vient de partir mais aussi les pensées du pays qu'elle abandonne.
S'il y a eu une époque où Chuck Berry était acheté par les blancs, parce que cette musique rock devait devenir blanche pour se vendre, il y a eu une époque où Michael Jackson achetait le patrimoine mondial de l'humanité du rock en s'offrant les Beatles. Tout ceci est aussi une manière de dire que les Noirs ont depuis longtemps repris le pouvoir économique sur leur production culturelle. Il est évident que Michael Jackson n'a jamais été victime ni de racisme, ni d'erreur historique et que les ennuis judiciaires continuent encore pour son entourage.