Depuis les années 2000 Michael Jackson était une étoile déclinante, il avait gardé quelques activités, mais la grande porte lui était fermée. On le voyait arpenter les spectacles de seconde zone ...Il était une star à demi-éteinte qui éclairait les endroits sombres. Les plus attachés à leur idole le retrouvaient en lui criant leur amour indéfectible. Les autres l'avaient abandonné. Il s'était retrouvé comme plaqué, délaissé par le public, les producteurs et les publicitaires.
Malgré une originalité et un esprit visionnaire qui lui avaient permis à maintes reprises de se sortir de mauvaises passes, le Roi de la pop, semblait souvent se saborder lui-même, avec des opérations donc les retombées négatives étaient inévitables, même pour un parfait néophyte.
Michael Jackson était un artiste immense. Qu'on l'apprécie ou pas n'y change rien. Auteur, compositeur, interprète et danseur de génie, il aura marqué son époque de son empreinte et de son influence. Cette réussite côté show n'entrainait pas pour autant un succès comparable côté business. Ses seules démarches totalement viables restaient, l'achat du catalogue des Beatles et la création judicieuse de sa compagnie de production et d'édition, MIJAC Music (Bravo John Branca !) Sinon, il s'était lancé à plusieurs reprises dans des opérations commerciales mégalos, peu profitables, avec des individus peu recommandables. Il n'a cessé de renouveler ses efforts pour intégrer le monde du septième art, où il comptait des amis fidèles, des liens nés durant les années 1980, tout d'abord par l'intermédiaire de Quincy Jones.
Katherine Hepburn dira de Jackson :
- C'est un être absolument extraordinaire. Il a travaillé toute sa vie, il a été un professionnel du spectacle depuis l'âge de trois ans, et n'a pas vécu un seul instant, je dis bien un seul instant, dans le monde réel. Il ne sait qu'écrire des chansons et faire vibrer le public. C'est une étrange créature, vivant dans une bulle, à peine concerné par le monde extérieur...
Jackson aura toujours voulu réussir sur tous les segments d'un monde dont il était lui-même un pur produit : Le spectacle. S'il laissera indéniablement sa trace dans l'histoire de la musique et du spectacle, ses expériences cinématographiques n'auront jamais été que d'aimables anecdotes.
En effet, MJ passera toute sa vie, avec aisance, d'une idée à l'autre. Dans les affaires de la star, il y avait un véritable problème de management. A bien observer sa carrière, on remarque que les périodes les plus fastes correspondent aux époques où il était le plus scrupuleusement encadré, notamment par Quincy Jones , John Branca et Franck Dileo. Leur rupture fracassante sera suivie de règlement de comptes à distance. Dileo, soupçonné d'accointances douteuses avec la mafia, fera ouvertement chanter Jackson, menaçant de faire des révélations sur sa vie privée.... Par la suite, un véritable défilé de dirigeants témoignera du tour délétère pris par la carrière de MJ. Les plus sérieux, déconcertés par les choix de vie de l'artiste, ne resteront pas longtemps à leur poste !
Puis vint la réunion des Jackson's ! le groupe ne s'était plus produit au complet depuis longtemps, Michael lui-même n'avait plus fait de tournée sur le sol américain depuis le «Bad tour» de 1989. Il n'y avait plus chanté depuis la finale du Superbowl en 1993. Les retrouvailles sont programmées à new-York, dans la mythique salle du Madison Square Garden à Manhattan, le 7 et 10 septembre 2001. Ces deux spectacles vont bénéficier d'effets d'annonce exceptionnels, mais sans le concours de Sony Music, qui refuse d'investir le moindre dollar en publicité. Étrange, lorsque l'on connaît l'enjeu financier que représentait la sortie d'Invincible : Lire ici .
Le grand soir est arrivé. Tout le gratin médiatique et artistique prend d'assaut les places du célèbre music-hall. Michael Jackson, complètement shooté, la braguette ouverte et méconnaissable après avoir subi de nouvelles opérations de chirurgie esthétiques, arrive au bras de Liz Taylor et prend place dans la salle pour assister à la première partie du spectacle ou Whitney Houston, Destiny's Child, Liza Minelli, N'Sync, Usher ou Ray Charles viennent lui rendre hommage. Mais la soirée tire en longueur et Marlon Brando sort de scène sous les sifflets, après un surréaliste discours sur les enfants du tiers-monde victimes des mines anti-personnel fabriquées par les États-Unis! La prestation de Jackson fut très décevante, bien que pour la majorité des spectateurs, le roi de la pop avait été égal à lui-même! David Gest, son producteur, dira, Michael était sous l'emprise de calmants puissants, et il le menacera de ne rien lui payer pour les concerts si il arrivait dans le même état au second. Jackson, l'écoutera. Lorsqu'il s'est présenté pour le show du 10 septembre, il était en meilleur état et sa prestation s'en est ressentie. Mais Invincible se met à dégringoler dans les hits, et le nouveau single, Cry, ne parvient pas à redresser la barre. Cette chanson est une gentille ballade sur le thème de la fraternité, comme le chanteur en avait déjà promu des dizaines. Le clip, où il n'apparaît pas, n'est qu'une succession sans intérêt de jolis paysages.
Le problème qui se pose est toujours le même : L'argent. Cette problématique le conduit a des acrobaties dont les conséquences pour son image ne sont pas positives. Le film réalisé par Bashir montre Jackson sous son jour le plus noir. Mais comment imaginer que quelqu'un d'aussi habitué aux médias que MJ ait pu se laisser prendre à un piège? Quand au fond...Cette image célèbre qui montre Michael Jackson, alors âgé de 45 ans, main dans la main, tête contre tête avec un adolescent, le jeune Gavin Arvizo...Cette phrase dérangeante où il reconnaît ne rien voir de mal à partager le lit d'un enfant....Sincérité déplacée ou aveu de criminel sexuel, dans les deux cas, ces mots prononcés de son plein gré creusent le fossé d'incompréhension, déjà colossal, qui sépare Jackson du commun des mortels. Cette image, ces paroles vont déclencher une lame de fond, un tsunami incontrôlable, qui va causer des dommages irréparables.....La vie de l'homme et la carrière de l'artiste vont être bouleversées, ravagées de fond en comble. Car, cette fois, ce qui va devenir l'affaire Gavin, ira jusqu'au bout : jusque devant la justice.
Un rupture amoureuse peut-être tragique. Que dire alors d'une rupture avec des milliers de personnes ? En fait, la reconnaissance médiatique, bonne ou mauvaise, était devenue gage de son existence. Il imaginait que ce serait serait sans fin. Cela évoque une addiction au regard, une addiction à la renommée. Il avait ce besoin vital d'être vu, admiré, détesté, autant que d'être aimé. Et voilà qu'il n'avait plus rien. Le sevrage a du être douloureux. La séparation a du être terrible pour Jackson qui croyait que la célébrité lui coulait dans les veines. Il n'avait en outre rien préservé dans le tourbillon (Hormis sa part dans le catalogue Sony/ATV qu'il utilisait comme caution) mais ses poches et son compte en banque étaient vides. Le retour à l'anonymat après le procès de 2005, pour celui dont les raisons du succès étaient le plus essentiel, a certainement eu l'effet d'un violent abandon et l'impression d'être jeté à la poubelle. Exclu du paradis, il errait dans les limbes de Bahreïn dont ensuite il avait divorcé dans la douleur. Puis il est parti en Irlande tentant de se remettre au travail en collaboration avec Will.I.Am des Black Eyed Peas et Rodney Jerkins, venus directement des Etas-Unis. Mais aucun inédit n'est jamais sorti de cette collaboration ! Par la suite, il a fait des projets avec Akon, mais encore une fois, rien de concret n'est sorti de ces longs mois de gestation. Seules Les voix de Jackson choriste d'Akon pour «Hold My Hand» ont été enregistrées à la fin de 2007. Et la chanson avait été divulguée en ligne dans un état incomplet en juin 2008. (Pensez, trucage et mise en scène de divulgation ..dans le but de tester le public). Paris Jackson avait avoué la supercherie avant que le CD ne sorte : «Ce n'est pas lui qui chante, allez sur Youtube et tapez Jason Malachi. C'est lui !
Pour une célébrité l'anonymat peut représenter une perte narcissique désastreuse : cela équivaut à une mort publique de son vivant. Le double célèbre est mort, comment lui survivre ? Les facteurs de protection de l'identité prennent ici toute leur importance. Comment se porte le «moi privé» ? Les liens amicaux protégés vont-ils pouvoir maintenir le narcissisme à flot ? Est-il suffisant de ne plus être aimé de tout le monde mais de quelques-uns seulement ? Que faire quand l'image agonise, quand le double est fané et vous laisse pantois ?
Jackson essaie de revenir par la petite porte :
En mai 2008, la presse - et même en France le quotidien Le Monde - publie des photos de Michael Jackson, invité surprise de de la fête anniversaire de Christian Audigier. MJ présenté comme un ami, n'est en tout resté que quelques minutes sous le chapiteau surchauffé, mais sa seule venue a permis à l'évènement de mobiliser les télévisions du monde entier. Ce qui est vrai, c'est que Michael Jackson était devenu un habitué de ces événements people très médiatisés. Et ce, pour une raison très simple : Il avait besoin d'argent...Il sacrifiait de plus en plus régulièrement à ce genre d'exercice pour arrondir ses fins de mois. Sa participation éclair à l'anniversaire de Christian Audigier aurait ainsi été facturée 50 000 dollars. Pour une prestation plus importante, avec photos et dîner, le tarif de Jackson pouvait monter jusqu'à plusieurs millions de dollars ! De l'argent facilement gagné, qui permet de voir crépiter les flashes des photographes. En ce début d'année 2008, il fait aussi un pas qui préfigure son retour. Il rencontre Marcel Avram qui a livré une anecdote savoureuse sur les désirs irréalistes du King Of Pop : «Ce qu'il veut, c'est du spectaculaire et il a toujours été comme ça. Il avait imaginé un effet spécial avec un avion vide qui viendrait s'écraser sur scène ! Je lui ai simplement répondu qu'aucune scène ne pourrait supporter un tel choc, et il m'a donné raison».
Finalement, Jackson annonce le jeudi 5 mars 2009 à Londres, qu'il donnera une série de concerts en juillet dans la capitale britannique. «Je chanterai toutes les chansons que mes fans veulent entendre». Il a décidé de tenter un come-back, dans l'espoir de retrouver un public tourné vers la nostalgie, les moments ou les valeurs du passé : peut-être est-ce régressif, mais c'est tellement rassurant face à un futur incertain et anxiogène ! La reconquête est sa nouvelle bataille. Quel privilège de pouvoir ressusciter !
L'Evening Standard, quotidien britannique du soir, affirmait que la contrat pourrait atteindre le montant estimé de ses dettes, dont le train de vie n'était plus soutenu par aucune production musicale. La star avait en effet, virtuellement disparu des planches. Sa dernière apparition publique remontait à 2006 à Londres, aux World Music Awards. Le « roi de la pop » était remonté sur scène à l'occasion de la remise d'un trophée récompensant l’ensemble de sa carrière. Il avait même poussé la chansonnette, entonnant d'une voix à peine audible, seulement quelques notes de "We Are The World" avec quelques jeunes.
Michael Jackson avait-il perdu sa belle voix de ses années de gloire ? ...Ce ne serait pas étrange quand on sait que Whitney Houston qui avait une voix aussi puissante que cristalline, était devenue incapable d'atteindre les notes les plus élevées suite à sa dépendance aux drogues et à l'alcool. L'ivresse des sommets où l'atmosphère n'est pas aussi pure ni aussi saine qu'on l'imagine, tue tout autant que l'ivresse des profondeurs du désespoir.
La santé fragile de Jackson était facile à deviner et la maison de paris britannique William Hill avait prédit à 5 contre 1 qu'il ne montrerait pas le bout de son nez, s'il était effectivement à l'affiche de concerts londoniens.
Michael Jackson serait mort de ne pouvoir dormir....quels étaient ses cauchemars si effrayants qui faisaient qu'il ne pouvait plus se glisser sans angoisse dans un lit ? La peur de mourir ? de ne pas se réveiller ? ou de se réveiller, justement, et de revivre le cauchemar qu'était devenu sa vie. Depuis longtemps Michael Jackson ne faisait plus rien et pour le peu qu'il faisait, il devait se faire assister où pire encore utiliser des illusions.
Une fin tragique n'est pas une fatalité pour une star, elle est une nécessité. De l'accident de James Dean à l'immodération fatale de Michael Jackson, en passant par les barbituriques politisés de Marilyn Monroe, la mort violente est une mort naturelle pour ceux dont la vie fut de bruit et de lumière. Une vraie star ne peut vieillir «pépère», il lui faut la tragédie en point d'orgue pour continuer d'être ce qu'elle fut et éviter la seule déchéance : Celle du HAS BEEN.
Il y avait chez Michael Jackson, d'abord, le culte malsain de l'enfance, celle qu'on recherche en soi et celle qu'on idolâtre en bêlant. Ce travers commence dans les peluches et ensuite s'égare dans les tripotages. Heureusement, Dutroux ne se cache pas derrière Winnie, mais ce penchant trahit un monde qui ne veut pas grandir, refuse d'être adulte : Il pense ainsi demeurer innocent, quant il n'est qu'irresponsable. Ce travers a mené Jackson à se transformer plutôt que s'assumer. Sa trajectoire ce fut aussi la glace de la solitude derrière l'illusion de la communion : Les fans clonant leur idole n'ont pas empêché sa déroute. Xanadu s'appelait Neverland, mais le vide était le même dans le coeur de Citizen Kane, et celui de Michael Jackson.