25 Septembre 2021
Dans la salle, les murmures s'apaisent. Le rideau se lève sur une scène lumineuse. Cela peut-être une rue de Venise à la Renaissance, ou le salon d'un appartement parisien. Dès les premières répliques, le public est sur place, tant le décor crée l'illusion de la réalité.
Le théâtre occidental a plus de deux mille cinq cents ans d’existence, mais la notion de décor est relativement récente. Dans l'Antiquité grecque et romaine, l'arrière-plan, stylisé, était invariablement constitué d'un mur de scène percé de portes. Les décors adaptés à chaque pièce sont apparus à la cour des princes de la Renaissance Italienne. Au XVIe siècle, ils contribuèrent à développer la mode des représentations en intérieur ainsi que la scène moderne : une boite ouverte sur le devant, dont le fond et les côtés étaient peints pour donner l'illusion de profondeur.
Dans d'autres pays, les comédiens ont cependant continué à jouer en plein air. Dans le théâtre du Globe, par exemple, où se déroulaient les représentations des pièces de Shakespeare, la scène avançait parmi le public. Pour que l'on puisse bien voir les acteurs, les décors étaient limités aux costumes et à quelques accessoires simples, tandis que les répliques précisaient clairement le lieu de l'action.
Ce n'est que pendant la seconde moitié du XVIIe siècle, plusieurs décennies après la mort de Shakespeare, survenue en 1616, que le théâtre anglais suivit l'exemple italien. Pourtant l'auteur de «Macbeth» avait connu la gloire de son vivant. La qualité du texte et de l'interprétation de cette pièce de 1605 suffisait, à elle seule, à introduire les spectateurs dans l'univers du dramaturge.
Bien que les rôles féminins aient été de tout temps fort nombreux au théâtre, il n'y eut, jusqu'au XVIe siècle, pas d'actrice pour les interpréter. Ce n'est pas que la comédie n'intéressait pas les femmes : elles n'avaient simplement pas le droit de monter sur les planches. Dans l'Antiquité Gréco-latine comme dans le moyen Age chrétien, la femme n'avait pas le droit de se déguiser ni d'interpréter un autre rôle que son rôle domestique de mère et de servante. L'impudeur du jeu des acteurs était réservée aux hommes qui, du coup, étaient obligés d'interpréter les rôles féminins, y compris les plus romantiques...C'est essentiellement la commedia dell'arte Italienne qui introduisit en Europe l'actrice sur la scène. Le théâtre étant là pour le plaisir et le divertissement, la civilisation occidentale, qui sort de plusieurs siècles d'obscurantisme, accueille avec grand plaisir la femme qui insuffle vie, réalisme, mais également désir et érotisme dans l'action théâtrale.
Bien entendu, les actrices seront longtemps assimilées à des prostituées, et leur mode de vie suscitera souvent l'indignation de la société conservatrice. Mais elles apporteront également au monde un vent de liberté, et seront souvent des pionnières de l'émancipation des femmes.
♦ Trois siècles de théâtre en France : un nombre impressionnant de succès et plus encore d'échecs. En ce domaine, les véritables événements sont rarissimes. Pour tout dire on en compte seulement neuf !
Depuis cette mémorable première, «Cyrano de Bergerac», la pièce a été traduite dans toutes les langues et les théâtres du monde entier l'ont mise à leur répertoire.
On pouvait dire...Oh ! Dieu !....bien des choses en somme...
En variant le ton, - par exemple, tenez :
Agressif : «Moi, monsieur, si j'avais un tel nez, il faudrait sur le champ, que je me l'amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse, pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C'est un roc ! ....c'est un pic ! ...c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? ...C'est une péninsule !».
Curieux : «De quoi sert cette oblongue capsule ? D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ?
Gracieux : «Aimez-vous à ce point les oiseaux, que paternellement vous vous préoccupâtes, de tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?»
Truculent : «Ça, monsieur, lorsque vous pétunez, la vapeur du tabac sous sort-elle du nez, sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? ».
Prévenant : «Gardez-vous, votre tête entraînée par ce poids, de tomber sur le sol !»
Tendre : «Faites-lui faire un petit parasol de peur que sa couleur au soleil ne se fane !»
Pédant : «L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane appelle Hippocampélépantocamélos, dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os !»
Cavalier : «Quoi, l'ami, ce croc est à la mode? Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode!».
Emphatique : «Aucun vent ne peut, nez magistral, t'enrhumer tout entier, excepté le mistral !»
Dramatique : «C'est la mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : «Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : «Est-ce une conque, êtes-vous un triton ?»
Naïf : «Ce monument, quand le visite-t-on ?»
Respectueux : «Souffrez, monsieur, qu'on vous salue, c'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue !»
Campagnard : «Hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain ! C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain !»
Militaire : «Pointez contre cavalerie !»
Pratique : «Voulez-vous le mettre en loterie ? assurément, monsieur, ce sera le gros lot !»
CYRANO : Réfléchis, voyons. Il m'interdit le rêve d'être aimé même par une laide. Ce nez qui d'un quart d'heure en tous lieux me précède ; Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance pourrait bien me laisser cette protubérance !
Il n'est pas de grand succès qui ne répond à une attente secrète du public. Les grandes pièces romantiques de la première moitié du XIXe siècle - Antony, Hermani, Ruy Blas, etc. - avaient laissé la place à un théâtre naturaliste qui s'appliquait à décrire les drames du quotidien. Les spectateurs firent fête à un héros qui leur rendait le goût oublié du panache et du rêve.
Cyrano a vraiment existé et on peut affirmer qu'Edmond Rostand a respecté dans sa pièce les principaux faits qui jalonnèrent l'existence de son modèle.
Beaumarchais s'est surtout illustré en littérature à travers Figaro, le héros de sa trilogie théâtrale. Celle-ci est formée du Barbier de Séville (1775), du Mariage de Figaro (1784) et de la Mère coupable (1792)
Beaumarchais est un homme dynamique et plein d'esprit. Il montre des qualités de coeur ; il aime ses enfants, ses frères et reste fidèle en amitié. «Avec le coeur d'un honnête homme, tu as toujours eu le ton d'un bohème», lui écrit un camarade d'enfance. Comme Figaro, Beaumarchais vaut mieux que la réputation qu'il traîne. À la veille de la Révolution Française, il est très représentatif de son époque. C'est tantôt un homme d'affaires peu scrupuleux, tantôt un politicien visionnaire ou un homme d'action courageux, maniant le verbe comme l'épée.
Dans le Barbier de Séville, le comte Almaviva cherche à revoir Rosine. Il en est empêché par Bartholo, vieux tuteur de la jeune fille qui souhaite lui aussi l'épouser. Figaro, au service de Bartholo, décide d'aider le comte, son ancien maître. Ensemble, ils enlèvent Rosine. Bartholo arrive trop tard. Rosine et le comte sont mariés. L'action du Mariage de Figaro se déroule trois ans plus tard : Figaro, devenu le serviteur du comte Almaviva [époux de Rosine], souhaite épouser Suzanne, la suivante de Rosine. Entre-temps, le comte Almaviva, libertin, délaisse sa femme et courtise aussi Suzanne. Aidé par les deux femmes, Figaro parvient finalement à épouser sa promise. Enfin, dans La Mère coupable, Figaro devient un «vieux serviteur très attaché».
Ces pièces marquent le retour à la comédie d'intrigue. L'action, emmenée par Figaro, repose sur une succession de rebondissements. Les relations entre maître et valet sont inversées. Dans le Barbier, le comte Almaviva ne fait qu'exécuter les ordres de Figaro et le valet travaille au bonheur de son ancien maître. Dans le mariage de Figaro, au contraire, le valet triomphe de son maître.
Beaumarchais créé des personnages riches et complexes. Tout est ambigu chez eux, leurs rapports de force, leur identité [déguisement], leur discours [prolifération du secret] et même leurs sentiments [imaginaire du désir]. Les héros apparaissent de plus en plus complexes d'une pièce à l'autre. L'art de Beaumarchais consiste à les faire évoluer à travers le temps et les conflits. Par exemple, Figaro, simple valet et complice du comte dans le Barbier, devient son adversaire dans le Mariage. Il lui donne même, à la fin, une leçon morale et politique.
«Les vices et les abus, voilà ce qui ne change point, mais se déguise en mille formes sous le masque des moeurs dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l'homme qui se voue au théâtre», écrit Beaumarchais dans la préface du Mariage. Dans la tradition de Molière, il revendique le droit de dénoncer les abus de son temps grâce à la comédie : les privilèges de la naissance, les abus de la justice, la condition des femmes ....Beaumarchais affirme la possibilité d'un changement social et affiche les revendications des opprimés sur une scène de théâtre.
Les pièces de Beaumarchais ne sont pas de simples réquisitoires. L'auteur les veut également gaies : «Me livrant à mon gai caractère, j'ai tenté de ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté, en l'alliant avec le ton léger de notre plaisanterie actuelle». Il recourt au comique de la farce (calembours, pantomime, quiproquos). La gaieté des pièces tient aussi à Figaro, homme de théâtre complet, à la fois acteur et spectateur.
En dénonçant la «foule d'abus qui désolent la société», Beaumarchais touche un point sensible. Ces «abus» caractérisent les privilèges accordés aux classes aisées, notamment les artistocrates et les juges. Ces derniers sont à Beaumarchais ce que les médecins sont à Molière. Le personnage de Brid'oison, un juge qui se prend très au sérieux, incarne le comble du ridicule. Beaumarchais les dénonce dans la tradition des philosophes des Lumières. C'est pourquoi Louis XVI dira très tôt de la pièce qu'elle est «détestable et ne sera jamais jouée». Il la fera interdire et enverra même Beaumarchais en prison. Mais en 1775, la représentation du Barbier de Séville premier volet de la trilogie, fait un triomphe à la Comédie Française. Beaumarchais devient dès lors un auteur à succès. Et, malgré de nouvelles années de censures, il atteint le sommet de sa carrière lors de la première représentation du Mariage de Figaro, en 1784.
Les classes aisées assistent à cette première représentation. Mais, paradoxalement, la plupart d'entre eux, comme La Fayette, sont contre les privilèges. Cinq ans avant la Révolution française, les élites elles-mêmes se révoltent. Cette idée trouve un écho dans le Mariage de Figaro. Lorsque Marceline lance une diatribe sur l'injustice à l'égard des femmes, elle est approuvée par le comte lui-même, qui appartient pourtant aux classes dominantes, et la Baronne d'Oberkirch, en levant les yeux au ciel dit ceci :
Ces grands seigneurs applaudissant le Figaro se frappaient eux-mêmes au visage, riaient à leurs propres dépens, et, ce qui est pire, faisaient rire les autres. Ils s'en repentiront plus tard ! ... Beaumarchais a présenté leur propre caricature et ils ont répondu : " C'est cela, nous sommes exactement comme cela ! »
Parce qu'il est brillant et joyeux, à l'image de cette folle journée, sous-titre du Mariage de Figaro. Beaumarchais a créé un théâtre total, héritier des grands maîtres du genre, tels que Molière, pour la comédie d'intrigue et des moeurs, mais aussi Regnard ou encore Marivaux pour l'analyse des sentiments. Son théâtre est un mélange de comédies classiques, de critique sociale et politique et de psychologie. Le Mariage de Figaro marque le début du théâtre moderne et fait toujours un tabac !
À partir de la fin du XIXe siècle, le Vaudeville devient un genre théâtral caractérisé par une action pleine de rebondissements, souvent grivoise. L'argument le plus caricatural du vaudeville est alors l'adultère et les «portes qui claquent» : Les trois personnages essentiels que sont le mari, la femme et l'amant se succèdent rapidement sur scène, se croisent sans se voir, et donnent naissance à la fameuse réplique : «Ciel, mon mari!»
Classiques ou modernes, ces pièces aux situation invraisemblables, font rire sans retenue !
«Mais n'te promène donc pas toute nue» est une comédie de Georges Feydeau créée le 25 novembre 1911.
Au XXe siècle, le théâtre emprunte diverses voies - que les auteurs d'aujourd'hui creusent et diversifient encore.
Par exemple, TOC TOC de Laurent Baffie, est une pièce vraiment comique ! habituellement, Je n'apprécie pas du tout l'humour de ce dernier, mais là, je dois reconnaître qu'il s'est surpassé !
Cette pièce a été jouée plus de deux ans et demi en France pour s'exporter et devenir rapidement un succès international. D'abord reprise au Québec et en Belgique, elle est également traduite et adaptée pour le théâtre et le cinéma en Espagne.
Dans cette salle d'attente, nous suivons pendant une heure trente un petit groupe de personnes, attendant une consultation chez l'éminent neuropsychiatre Stern. Leur maladie ? Des troubles Obsessionnels Compulsifs ou «TOC». Du connu syndrome Gilles de la Tourette (insultes incontrôlées : Je vous encule tous ! ces premiers mots de Fred (Pascal Racan) situent d'emblée le personnage. Il ne sait pas maitriser son vocabulaire qui s'émaille de jurons et grossièretés), à l'Arithmomanie ( sans cesse tout calculer et analyser autour de soi), ou encore l'incapacité à marcher sur des lignes etc...
Les sept patients qui bavardent dans la salle d'attente, ont dû attendre de nombreux mois pour obtenir un rendez-vous. L'heure tourne, mais le Dr Stern n'arrive pas, et il n'en peuvent plus de rester sagement assis. Ils vont alors apprendre à se connaître et même tenter une thérapie de groupe dans une succession de scènes invraisemblables, ponctuées par les incontrôlables tocs des uns et des autres. Dans cette pièce bien rythmée, qui donne l'occasion de rire de ces personnages sensibles et si attachants, on se demande, au final, s'ils ne nous ressembleraient pas un peu dans nos petites failles !
Comédie irrésistible et pleine de tendresse, dialogues en forme de pingpong, sans méchanceté, ni vulgarité, ou presque ! Toc Toc est une succession de gags et de rire assuré à consommer sans avis médical. Si vous ne l'avez jamais vue, vous pouvez la regarder sur YouTube ► https://www.youtube.com/watch?v=hJ_mhKSom8g
Je me demandais l'autre jour : à quoi sert le théâtre ? À imiter la vie. Pourquoi l'imiter puisqu'elle est là ? Elle a besoin d'être imitée pour qu'on la comprenne. Qu'est-ce que ça veut dire comprendre la vie ? ça veut dire, en même temps qu'on la vit, la voir un peu étrangère. Qu'est-ce que ça apporte ? On se dédouble. C'est-à-dire ? On sort de soi et on fait un retour à quelqu'un qu'on ne connaît pas forcément très bien. Pourquoi ne pas rester tranquillement dans le soi qu'on connaît ? C'est le propre de l'homme. Quoi ? D'aller voir ailleurs tout en restant là.
Michel Vinaver Extrait du site SACD/Entr’Actes