22 Février 2020
A Lyon se trouve un endroit mythique pour tout cinéphile : L'institut LUMIÈRE. C'est ici, en 1895, que le cinématographe est né du talent des frères Lumière, Louis et Auguste.
Sur l'ancien site des usines familiales, dans le quartier Montplaisir, un lieu de mémoire et de conservation a vu le jour. C'est en 2002 que Dominique Païni, alors Directeur du Département du Développement Culturel du Centre Georges Pompidou, conçut la scénographie de l'actuel parcours, au gré des trois étages et 21 pièces ouvertes au public, retraçant, grâce à sa riche collection, l'histoire du cinéma et de la famille Lumière.
3 choses sont à retenir sur les frères LUMIÈRE.
A la fin du XIXème siècle, la famille Lumière s'installe dans ce quartier de Lyon, qu'elle fait vivre jusque dans les années 70, époque où la production est délocalisée et les usines abandonnées. De ce vaste espace industriel, il ne reste plus que la villa Lumière et le hangar du Premier film, dernier vestige du site industriel, des symboles forts de cet héritage.
La villa Lumière est construite par le père, Antoine, et inaugurée en 1902. Le patriarche était fasciné par la pierre et aimait jouer aux architectes, comme en témoignent ses autres créations à la Ciotat, Evian et Cap-d'Ail, les lieux de villégiature de la famille.
Surnommée le «Château Lumière» par les habitants du quartier, la demeure reflète les goûts de son créateur : mosaïques en céramique, lustres, grandes fenêtres faisant entrer la lumière ou encore cheminées en marbres sculptées. L'ensemble est de style Art nouveau, où priment les formes courbes inspirées par la nature.
Pour pénétrer dans la propriété, il faut traverser le porche majestueux qui permettait jadis l'entrée des chevaux et des voitures ▼
Le jardin d'hiver est une petite merveille aux multiples motifs ornementaux. La verrière inonde la pièce de lumière et offre une vue dégagée sur le jardin. Cette pièce servait de lieu de vie pendant les beaux jours, mais également de serre en hiver pour les plantes de Joséphine, la mère. ▼
Viennent ensuite les grands salons, également richement décorés, qui présentent l'évolution du cinématographe, ainsi que les inventions des frères qui révolutionnèrent les techniques photographiques. La visite se poursuit au premier étage, que nous atteignons en empruntant un escalier à la décoration assez étonnante. Sur les murs peints se trouvent des plants de maïs dans lesquels se cache une basse-court composée de coqs, poules et poussins, symboles de la famille Lumière. On retrouve d'ailleurs un majestueux coq sculpté dans le bois à l'amorce de la rambarde ▼
Une fois les marches grimpées, nous découvrons la chambre d'Antoine, reconstituée dans sa configuration d'époque, et qui laisse la même impression de voyage dans le temps que le jardin d'hiver. L'endroit est chaleureux et confortable : s'y mêlent les motifs fleuris, les nuances de bois clairs, le rouge groseille et le vert olive ▼
Le reste de l'étage est consacré aux inventions de la famille, les gammes de produits photographiques et, plus surprenant, médicaux ( le tulle gras pour soigner les grands brûlés, par exemple). Il y a également une salle de projection et des expositions de photographies, la longue histoire des images animées, depuis les lanternes magiques jusqu'au prototype mis au point par Louis pour ses premiers essais de films sur papier en 1894. Grâce à la collection d'appareils anciens rassemblés par le docteur Paul Génard et acquise en 2003, l'exposition présente d'incontournables chefs-d'oeuvre techniques tels le kinétoscope d'Edison, le chronophotographe Demenÿ ou le Cinématographe Lumière n°1 qui projeta les dix premiers films le 28 décembre 1895, au Grand Café à Paris, devant les 33 spectateurs de la première séance publique payante. Etc....▼
Sortons maintenant découvrir le parc, lieu calme et ouvert à tous. Il est agrémenté de l'exposition en plein air, l'allée des Inventeurs, rendant hommage aux prédécesseurs des Lumière. C'est aussi ici que prend place, chaque moi d'octobre, le village du festival Lumière. Au fond du jardin, se détache la silhouette du Hangar du Premier film. Ce hangar sauvé in extremis de la destruction, est classé monument historique en 1994. Il a été transformé en salle de cinéma en 1998. La rue qui le longe fut naturellement rebaptisée rue du Premier Film.
L'institut Lumière est un savant mélange de passé, présent et avenir. Il est un endroit vivant, porteur d'un bel héritage, mais surtout passeur de mémoire pour les nouvelles générations, comme en témoigne sa riche programmation d'activités et d’événements pour petits et grands.
Alice Guy Blaché, oubliée pendant de nombreuses années, fut la première femme cinéaste de tous les temps ! Elle réalisa un film d'une cinquantaine de secondes baptisé «La Fée aux choux» en 1896 pour la société Gaumont.
Sa détermination et son caractère bien trempé, que rien de semblait ébranler, sont à l'opposé de l'image qu'on a des femmes de son époque. Née en 1873, à Saint-Mandé (94), elle entre à l'âge de 21 ans comme secrétaire de direction au Comptoir général de la photographie. La société fait entre temps faillite, et c'est un employé, Léon Gaumont, qui la rachète. La nouvelle société Gaumont se consacre tout d'abord exclusivement à la photographie mais s'intéresse toutefois aux nouvelles technologies. C'est ainsi que Léon Gaumont et Alice Guy, qu'il a réengagée comme secrétaire, vont assister en 1895 à une projection privée des Frères Lumière, une démonstration organisée par la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Gaumont va rapidement chercher à s'installer sur ce marché et cherchera à produire, comme Les Frères Lumière, de courts films documentaires.
Alice Guy eut alors l'impression qu'ils passaient à coté de quelque chose, et il lui semblait qu'on «pouvait faire mieux». Au lieu des scènes de rue, des sorties d'usine, des arrivées de train, elle proposa à Gaumont de tourner des scènes de fiction, des saynètes, des histoires. Celui-ci accueillit la suggestion avec un enthousiasme résumé par sa réponse : «d'accord, à condition que votre courrier n'en souffre pas».
Elle réalise son premier film à l'âge de 23 ans. Gaumont lui confie ensuite la direction d'un service où elle réalise des fictions. Féministe, elle tourne en 1906 «les résultats du féminisme», un film de sept minutes où les rôles sont inversés. Elle passera 11 ans au service de la firme durant lesquels elle produira des oeuvres de plus en plus ambitieuses, dont notamment ce qu'on considère comme un de ses chefs d'oeuvre : une version de la passion du Christ qui constitue une des plus grosses productions de son temps, réalisée avec un gros budget pour l'époque, avec 300 figurants et 25 tableaux. En 1907, elle épouse un opérateur, Herbert Blaché-Bolton, dont elle a deux enfants, ils vivent aux États-Unis. Les choses se gâtent en 1919, son mari la quitte pour une actrice et part s'installer à Hollywood, emportant avec lui la société Solax, qu'il avait englobée dans sa propre affaire et laissant Alice Guy éponger les dettes que la mauvaise gestion de son ex-mari avait accumulées. Elle sera contrainte de vendre tous ses biens, dont les studios de Fort Lee, liquidés pour une bouchée de pain. Elle qui fut la femme la mieux payée des États-Unis en 1912 avec 25 000 dollars par an rentre en France en 1922, ruinée et seule. Elle ne fit plus jamais de cinéma, mais passa au contraire la fin de sa vie à écrire ses mémoires et a chercher à retrouver les traces de ses propres films. Malgré une production estimée entre 700 et 1000 films, son nom est longtemps resté absent de l'histoire du Cinéma et elle a dû dépenser une énergie énorme pour réparer cette injustice. Certains de ses films furent en effet purement et simplement attribués à d'autres, toujours des hommes. Sa «Passion» a ainsi par exemple été régulièrement citée, et célébrée, mais en en créditant la paternité à son assistant de l'époque. La plupart des titres qu'elle cite dans sa biographie ont disparu et seule une cinquantaine d'entre eux ont pu être retrouvés à travers le monde.
En 1954, Louis Gaumont, fils de Léon, lui rend un premier hommage officiel. Henri Langlois lui consacre une rétrospective à la Cinémathèque en 1957.
En 1958, la multiple pionnière du cinéma reçoit la Légion d'honneur, dix ans avant son décès en 1968 dans le New Jersey.
Côté américain, l'absence de mobilisation de la part des pouvoirs publics français étonne : «Il est incompréhensible que les Français ne fassent rien pour faire connaitre sa vie est sa carrière incroyable. Aux États-Unis nous faisons tout pour nous l'approprier et pour la réhabiliter, alors même qu'elle n'avait pas la nationalité américaine». s'exclame Alison Mc Mahan. (source TV5Monde)
Étonnamment en effet, le pays qui l'a vu naître, paraît peu prompt à la réhabiliter. A l'exception notable du musée d'Orsay, qui, en 2011, organisa une série de projections et de ciné-concerts ; et du Festival international des films de femmes, qui depuis ses débuts, organise des manifestations autour d'Alice Guy (rétrospectives, diffusion de ses films en France et à l'étranger, Ciné-concerts, master class...) force est de constater que l'intérêt porté par les institutions françaises à cette cinéaste est assez faible voir inexistant.
Pendant ce temps là aux États-Unis...Le Whitney Museum of American Art de New-York lui a consacré une rétrospective. En 2011, la très prestigieuse DGA (Directors Guild of America) , a fait entrer la réalisatrice au sein de l'institution (qui a son époque n'existait pas) et lui a décerné un prix, à titre posthume. Au cours d'une cérémonie, Martin Scorcese lui a remis le prix «Lifetime Achievement Award» qui honore l'ensemble de sa carrière. «C'était une réalisatrice d'une grande sensibilité avec un regard incroyablement poétique. Elle a écrit, dirigé et produit plus de 1000 films. Et pourtant elle a été oubliée par l'industrie qu'elle a contribué à créer», a souligné le réalisateur américain. (source TV5Monde)
«Il est curieux de constater que les Blaché, sans en avoir eu le dessein conscient, ont contribué à la création ou à l'essor de trois célèbres compagnies américaines. La Film Supply Co, devenue la Mutual, productrice des premiers grands films de Chaplin, et l'Universal, nées toutes deux de l'éclatement de la Motion Pictures Distibuting and Sales Co. La Metro Goldwyn Mayer alors qu'elle était encore une modeste société New-Yorkaise - La Metro Pictures - de sa naissance (mars 1915) jusqu'en 1918, vécut pour l'essentiel de la distribution de films produits ou dirigés par les époux Blaché, leur modeste et inconsciente contribution à la croissance d'un trust». (Francis Lacassin - Pour une contre-histoire du cinéma)
En décembre 2017, le Prix Alice Guy est crée et récompense la meilleure réalisatrice de l'année.
En 2019, il a été décerné à Catherine Corsini pour «Un amour impossible».