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Ces années 60 qui ont changé le monde !

Dans les années 60, la France, enfin en paix, connaît une expansion économique et une modernisation industrielle sans précédent. Elle entre dans la société de consommation et accède à de nouveaux produits : réfrigérateur, machine à laver, voiture, télévision. Ce sont les Trente Glorieuses. On vit mieux, le pouvoir d'achat augmente. Chacun partage cette foi dans le progrès, la modernité. La vieille France a d'ailleurs pris une vrai coup de jeune. Le 22 juin 1963, des dizaines de milliers de gamins convergent vers la Place de la Nation pour un concert unique organisé par Salut les copains. Vêtus de jeans ou de minijupes, ils viennent en masse acclamer leurs idoles du moment, Johnny et Sylvie

On a encore jamais vu ça ! En 68, plus d’un Français sur quatre a moins de 16 ans : ce sont les « 12 millions de beaux bébés » qu’avait réclamés de Gaulle à la Libération. 

Les facs voient leurs effectifs exploser : de 240 000 en 1961, le nombre d’étudiants passe à 550 000 en 1968. « Nous sommes en présence d’un phénomène biologique autant que social », dit le philosophe Raymond Aron. Une nouvelle classe d’âge est née : l’adolescence. Elle revendique haut et fort sa place dans la société. Alors que l’économie est dynamique, l’univers culturel et social paraît figé.

L’école, l’entreprise, l’université, la famille sont des casernes où l’on n’a qu’un droit : obéir. La majorité est à 21 ans. La pilule n’est pas en vente en pharmacie, les femmes n’ont pas le droit de travailler en pantalon et ne peuvent ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari, l’avortement est illégal. Dans le monde du travail, ce n’est pas mieux. La durée légale est de 45 h par semaine. Certains ouvriers en font même 48 ! «En 68, les salaires des travailleurs français sont les plus bas de la CEE, les semaines les plus longues, et les impôts les plus élevés».

Et puis il y a la censure. De Gaulle l'a renforcée. Télévision, radio, cinéma et littérature sont bâillonnés. La République gaullienne souffre à la fin des années 1960 d'un certain essoufflement. Une société d'abondance, en pleine mutation, l'usure d'un pouvoir trop personnel, la volonté de «changer de vie», d'un renouveau..., tels sont les ingrédients du cocktail de mai 68.

Pendant Mai 68, 2 000 graffitis sont recensés à la Sorbonne. «L'imagination au pouvoir». «Plus je fais la révolution, plus j'ai envie de faire l'amour», «Je ne sais pas quoi dire mais j'ai envie de le dire». 

Les acteurs premiers du mouvement au sein de la société française ce sont donc les étudiants. Et le mécontentement des étudiants français coïncide avec l'essor des mouvements libertaires étrangers que le cosmopolitisme des mass médias permet de mieux connaître.  Ainsi, on connaît Berkeley, foyer de départ de la contestation juvénile mondiale, on connaît l'exemple «romantique» de la Révolution Culturelle chinoise dont on ignore encore les effets pervers. Les jeunes des pays développés critiquent la société de consommation qui n'offre pas d'idéal, dénoncent l'impérialisme américain, notamment le Viêt-nam, éprouvent de la sympathie pour les mouvements révolutionnaires.

La colère étudiante s'amplifie. Du 3 au 10 mai 1968, la grève étudiante s'étend. Le 10, les lycées se mettent à leur tour en grève. Le malaise d'une génération s'exprime par de violentes manifestations surtout parisiennes et surtout autour du quartier latin dans la nuit du 10 au 11, Paris retrouve les barricades de la Révolution. Mais la contestation est aussi verbale s'épanouissant spécialement à la Sorbonne. Les slogans scandés par les manifestants permettent de mieux cerner leurs aspirations : outre le «CRS-SS» qui fera fortune, le poétique «sous les pavés, la plage» et le non moins célèbre «Changeons la vie et transformons son mode d'emploi» ou encore «10 ans, ça suffit, bon anniversaire mon Général». Dans les usines, les facs, les hôpitaux, les administrations, des centaines de milliers de réunions s'improvisent pour réinventer l'avenir. Il faut enclencher une «Émancipation réelle des plaisirs», une «Jouissance sans entrave». Il s'agit de reprendre la main sur sa vie, son avenir, sa sexualité, son couple. Ne plus accepter que l'État s'immisce dans la vie privée. La vieille école républicaine vit ses dernières heures. Marre de la blouse grise et des punitions humiliantes. «Il est interdit d'interdire» ! La nouvelle mission du maître n'est plus de «bourrer le crâne» de l'écolier, mais de l'aider à construire son propre savoir. La mixité se généralise dans les établissements scolaires, et les profs se lancent dans l'expérimentation pédagogique tous azimuts. 

Les femmes, s'inspirant du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, s'engouffrent dans la brèche. Alors que le  droit à la contraception est obtenu dès 1967, les féministes réclament l'égalité homme-femme, la parité, le droit au travail et à l'égalité salariale, la fin du système de domination masculine...Les militantes du Mouvement de libération de la femme (MLF), créé en 68, prennent la tête de la revendication. «Nous étions des filles de la République. Nous avions reçu la même éducation que les garçons et sur les bancs de la fac, nous nous sentions leurs égales. Or, une fois mariées ou enceintes, plus rien. La loi faisait de nous des mineures»., témoigne Antoinette Fouque, psychanalyste, politologue et personnalité phare du MLF. Résultat : la pilule est généralisée en 1969 et le droit à l'avortement voté en 1975, grâce à la loi Veil. 

«En quarante ans, plus a été fait pour les femmes qu'en deux mille ans d'histoire», rappelle Antoinette Fouque. 

On réclame la liberté de choisir, la liberté de divorcer, la liberté de parler de sexualité. 

A long terme, mai 68 aboutit à des changements plus profonds dans la société. Moeurs, mentalités, droits des minorités, modes de vie, mariage, famille éducation, travail, après Mai 68, tout va changer. Le couple aujourd'hui est devenu multiforme : homo, hétéro, mixte, concubin ou marié. Hommes et femmes se pacsent et de dépacsent, divorcent 1,2,3 fois, font des enfants hors mariage, parlent de leurs désirs sexuels. Les jeunes font et défont la mode, la musique, l'éducation. Les femmes «libérées» font des enfants de plus en plus tard ou toute seule, occupent des postes à responsabilités, et veulent parfois devenir présidente de la République. Quant à la liberté d'expression, elle est partout. On critique les profs, la police, les politiques....Le soubresaut  est irrémédiable. 

C'est la première fois que tant de bouleversements ont réuni autant de gens au même moment et tout autour de la terre. Ils veulent alors explorer tous les champs de la créativité. Et ces mouvements sont prioritaires pour cette génération. Notre monde d'aujourd'hui a été façonné par ces années de foisonnement. Il ne faut pas oublier que ces sont dans les premières communautés qu'est née l'informatique, avec la création de réseaux de partage d'information : Les valeurs d'internet sont celles des hippies au début. 

Cela interroge toujours notre époque, avec la même urgence que jadis. 

Après Londres, Montréal, Milan, Bruxelles et Melbourne, l'exposition Révolutions, visible à l'origine du 22 avril au 23 août 2020 à Paris à la Grande Halle de la Villette a été annulée en raison de l'épidémie de Coronavirus,  mais pourrait être reportée à une date ultérieure si une solution est trouvée. Celle-ci devrait accueillir plus de 400 oeuvres uniques et emblématiques de la fin des sixties.  

La Grande Halle de la Villette - Paris -

La Grande Halle de la Villette - Paris -

L'exposition met en lumière cette époque charnière où la génération d'après-guerre se révolte et remet en cause la politique, la communication, l'habillement, la sexualité, la société, l'industrie, la musique, les arts (architecture, design, photos, vie des stars....) ou encore le mode de consommation, avec l'émergence des mouvements environnementalistes. 

L'exposition illumine le foisonnement de ces années capitales, et propose une traversée en immersion visuelle et sonore : «Les visiteurs sont dotés de casques audio qui diffusent au fil du parcours la bande-son de l'exposition à travers une quarantaine de titres d'époque, des Beatles aux yéyés. Des affiches psychédéliques ont été crées, en utilisant la black light, pour recréer les sensations d'une prise d'acide»

Organisée en six sections, l'exposition présente d'abord les Swinging Sixties : musique et vêtements s'influencent. La scène pop dessine les silhouettes de la rue. Jean-Marie Périer immortalise avec ses photos les stars yéyés. 

Françoise Hardy photographiée par Jean-Marie Périer en 1968.

Les stylistes font rayonner l'esprit Français : Pierre Cardin, André Courrèges, Sonia Rykiel, Paco Rabanne, Emanuel Ungaro. Ils libèrent le corps de la femme (legging, minijupe, collant...) mais aussi de l'homme.

La partie Clubs et Contre-culture évoque le mouvement psychédélique et l'exploration des styles de vie alternatifs. La musique s'écoute sur des radios pirates ou des mange-disques, les groupes phares  : The Who, Pink Floyd, The Rolling Stones sont le creuset d'identification de toute une génération et les Beatles créent un tremblement de terre. ▼

L'exposition donne la parole ensuite aux «voies de contestation» sur le plan politique : manifs étudiantes en Europe, contre la guerre du Viêt Nam aux États-Unis, mouvement des Black Panthers, premières revendications féministes ou homosexuelles, révolution culturelle en Chine...Les cinéastes français soutiennent alors le mouvement de Mai 68 en créant les États généraux du cinéma et la première Quinzaine des réalisateurs.

Nous avons recréé une véritable cinéma vintage où les spectateurs peuvent regarder une vingtaine d'extraits de films, autour notamment de la nouvelle vague. Explique la commissaire Justine Weulersse.

L'exposition évoque ensuite les grands rassemblements. Puis la consommation et les technologies: premiers pas de l'homme sur la lune, industrie de la publicité, révolution des modes de consommation, design et tourisme de masse, avancées technologiques avec notamment un prototype de l'aérotrain du Français Jean Bertin. Enfin sont abordés les communautés, l'environnement et l'ère informatique, qui marquent, avec la fin des sixties, celle des illusions : Assassinat de Sharon Tate, décès de Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Jim Morrison...▼

Jim Morrison en 1968

«Cette exposition n'est pas sur le passé, les combats d'alors restent ceux d'aujourd'hui, souligne Justine Weurlesse. Nous sommes toujours obsédés par les mêmes sujets, saisis par la même urgence. On a régressé, en fait, depuis la fin des années 1960, dans notre rapport à la nourriture, à l'homosexualité, à la planète, à la question des femmes.....Mais c'est une exposition qui redonne de l'espoir : Il y a urgence, il faut oser, agir ! ». 

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