20 Février 2021
L'humour est un dérivatif, une arme antistress, une manière très efficace de prendre du recul. On ne peut pas faire de plus beau cadeau à un enfant, ou même à un adulte que de l'encourager à rire, à prendre des petites contrariétés à la légère. À ce propos, les histoires, les livres d'images sont de précieux alliés car ils encouragent à regarder la réalité (et les difficultés qu'elle soulève) d'un regard amusé. Les peurs sont amplifiées pour faire rire, les colères aussi, si bien qu'on apprend à la fois à reconnaître ses émotions et à en rire. C'est cela l'humour : un regard décalé sur les événements, les sentiments, les situations. Pierre Desproges, maître de l'humour noir, parvenait même à rire de son cancer ! Il disait : «Cancer, métastase, Schwarzenberg (cancérologue célèbre - 1923/2003), espoir : parmi ces quatre mots, cherchez l'intrus». Il ajoutait qu' «on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui». Ce qui amuse les uns tombe à plat pour les autres. Allons voir ailleurs si l'humour n'est pas compatible !
Voici une courte liste de banalités cocasses, de clichés minés, mais qui sont partout et qui ont la vie dure !
Un sourire ravageur, est-ce une question de dimension ? Parce que la mode décide de tout, aussi bien de la longueur des jupes que de la largeur de la bouche? Après toutes ces Joconde qui esquissaient une ébauche de semblant de sourire, il y a eu les fines bouches, les bouches en cul de poule, en canard, les sourires du bout des lèvres et les sourires sous cape. Mais c'est le chat du Cheshire, le sympathique complice d'Alice au pays des merveilles, qui a fait le plus d'émules avec son sourire fendu jusqu'aux oreilles. N'empêche que le sourire à la mode se doit d'être ravageur !
Ne trouvez-vous pas que les people ont souvent une bouche too much ?
C'est un chantier délicat : Quand les lèvres sont démesurées, c'est qu'elle sont trop remplies, ou comblées avec un acide très volumateur ! Quand le dessus de la lèvre a un aspect bombé pas naturel, c'est qu'un lissage mal dosé avec de l'acide hyaluronique a été fait - Quand la bouche est trop large, c'est dû à un excès de correction des commissures ou même à l'expansion maxillaire ayant pour but d'élargir l'arcade dentaire supérieure afin d'obtenir un sourire jusqu'aux molaires ! Ça fait froid dans le dos car un tel sourire est à sa victime ce que la punaise est à la tomate : il anéantit avec la violence d'un tsunami !
Et attention les dents ! Pour atteindre la gloire les peoples doivent avoir les dents longues, mais pas trop ! Aujourd'hui, le critère le plus important pour un style hollywoodien : Un super sourire ravageur ultra-blanc, avec des dents parfaitement alignées et éclatantes.
C'est avec Hollywood que les dents blanches cessent d'être un impératif hygiénique pour devenir un outil esthétique. Dans les films en noir-et-blanc, les dentitions qui n'étaient pas parfaitement blanches semblaient grises à l'écran. «Pour corriger cela, on fabriquait des prothèses extrêmement blanches pour les acteurs. C'était même prévu dans leur contrat», explique Hugh Aldersey-Williams - auteur et journaliste anglais - Le fameux «Hollywood Smile» est né.
Se blanchir les dents est devenu une telle obsession que les dentistes ont dû s'adapter aux demandes des clients, créant des sortes de blanc toujours plus blancs, qui ne sont plus du tout naturels. Dans le genre exagération, on ne peut faire davantage ! Le blanc «naturel», celui-là qu'autrefois on regardait comme le joli blanc des dents, est désormais considéré comme étant trop jaune ....Tssss !
Le premier plumitif qui a osé lancer l'expression mythe vivant est probablement un sacré cancre qui ne se souvient plus des cours de son professeur d'histoire de sixième ni des récits fabuleux à la gloire des dieux gréco-romains. Chacun sait, sauf lui, que le mythe n'est qu'une légende, une simple construction de l'esprit sans rapport avec la triste réalité. Appliquer ce terme à un individu, et de surcroît à un contemporain, est une absurdité sur le plan rationnel, mais nos amateurs de sensationnel, éminents spécialistes du poids des mots et du choc des photos, n'en ont cure. Ils se fichent bien de savoir que «mythe» et «vivant» sont antinomiques et contradictoires.
Quand Cocteau imagina en 1940 l'expression monstres sacrés dans sa pièce éponyme, il ne se doutait pas qu'elle connaîtrait un tel succès. À l'origine, l'appellation «monstre» indique une différence spectaculaire par rapport à ses congénères, en mal comme en bien. Mais que vient ajouter le terme «sacré» ? Est-ce une allusion à l'onction que recevaient les rois de France à Reims, par la grâce de la céleste colombe, plus blanche que neige, qui apporta dans son bec, en 496, la sainte ampoule lors du baptême de Clovis ? Cette cérémonie consacrait les rois de France aux yeux de leurs sujets, alors que ce sont désormais les journalistes, les critiques, et bien plus encore le bourdonnement médiatique, cet horrible «buzz», qui décident de la consécration de tel ou tel artiste, comédien, chanteur, musicien, écrivain, peintre .....J'arrête là mon énumération car elle est sans fin. Les monstres sacrés connaissent une prolifération extraordinaire, au gré de ces fameuses rumeurs, incontrôlables et aussi versatiles qu'irrationnelles, qui peuvent encenser puis assassiner aussitôt après. Vont-ils subir le sort des vaches sacrées de Delhi, que l'on commence à éliminer discrètement, car elles gênent la circulation ? Peut-être ! Montres sacrés, il est temps de quitter le cirque médiatique, lorsque vous êtes catalogués de sacrés monstres.
À en croire certains journalistes, il y aurait une bousculade monstre aux portes de la célébrité, tant il se trouve de candidats prêts à entrer dans la légende. Icônes de la mode, idoles, stars et starlettes du petit et du grand écran, mythes vivants de la beaufitude, dieux du stade, les superlatifs pleuvent dru pour masquer la platitude de leurs commentaires. «Le mythe devient légende» a écrit un jour à propos d'un joueur de tennis, un journaliste sportif dont je tairai le nom. Ah bon....Mythe et légende, ce n'est pas la même chose ? En tout cas, l'hyperbole est devenue incontournable pour exprimer l'enthousiasme. Un autre journaliste, sans doute cousin du précédent, s'est essayé à pratiquer la nuance : «Ce titre lui permet d'entrer un peu plus dans la légende». L'entrée dans la légende comporterait donc des degrés divers pour modérer l'exaltation de départ. On ne fourre par tout le monde dans le même sac, on relativise notre propos ....Mais la porte d'entrée dans la légende est suffisamment étroite pour dégonfler les baudruches. Et que dire de ceux qui, sans tambour ni trompette, et dans l'indifférence la plus totale, rentrent honteusement au vestiaire ?
C'est Arthur Miller, écrivain américain célèbre en son temps mais jalousé pour avoir épousé Marilyn Monroe, qui serait à l'origine de cette expression, remettant au goût du jour l'épisode des sorcières de Salem. Il compara cet épisode douloureux de l'Amérique puritaine avec le phénomène de diabolisation des citoyens qui, dans les années 50, étaient accusés d'être sympathisants communistes. Mais l'ouverture de cette chasse date en réalité de 1484 lorsqu'un pape Innocent fit des bulles pour décréter que les sorcières devaient être transformées en gibier. Les Anglais, soucieux des quotas, envoyèrent au bûcher en 1677 nombre de météorologues mâles en les taxant de sorcellerie. Les satellites de l'époque n'étaient en effet pas assez performants pour leur éviter de confondre stratus et cumulonimbus. Quelques siècles plus tard, le chef météorologue de Sa Gracieuse Majesté échappa à la question pour avoir prévu une accalmie le jour J. On se contenta de le débarquer et d'écarteler sa grenouille. Et nos sorcières dans tout cela ? Je suggère de leur donner un grand coup de ....balai.
«La fin du concert fut accueillie par les applaudissement nourris d'une salle enthousiaste». On comprend, par la force de l'habitude, que les applaudissements furent nombreux, voire chaleureux, mais pourquoi «nourris», adjectif qu'on verrait plutôt utilisé dans un registre culinaire ? On en rajoute une couche en filant la métaphore et en laçant des salves, un tonnerre ou une tempête d'applaudissements. Mais qu'est-ce qui nourrit un tel emballement ? Vous vous êtes ennuyé ferme pendant ce concert de musique, vous avez trouvé ces tableaux monochromes à peu près aussi enivrants et subtils que la peinture des murs de votre salon, et les idées de cet homme politique aussi peu novatrices que celles de ces prédécesseurs. Pourtant vous avez applaudi à tout rompre comme tout le monde, de peur de ne pas être dans le moule et d'avoir l'air idiot. C'est parce que l'on se nourrit non seulement de nourriture terrestre mais aussi d'illusions et surtout d'«espérances par trop folles», comme disait Chateaubriand.
Sous l'Ancien Régime, redorer son blason s'appliquait exclusivement aux gentilshommes fauchés détenteurs d'un blason (apanage de la seule noblesse), qui épousaient une riche héritière issue de la vulgaire bourgeoisie afin de renflouer leur fortune évaporée. La dot considérable de la mariée permettait de payer les dettes de jeu ou un train de vie dispendieux, et la nouvelle marquise pouvait arborer fièrement sur son carrosse l'écu armorié de son époux. Mais qui se soucie maintenant de cette marque de distinction ? Le poids de l'aristocratie a quasiment disparu, n'en déplaise à quelques fossiles vivant dans un passé révolu, alors même que l'expression redorer son blason connaît un joli succès, avec le sens élargi de «retrouver son prestige, restaurer son image, se refaire une réputation ternie». N'importe quel pékin peut redorer son blason, les journalistes, les hommes politiques, les pipoles et les concierges des pipoles. Il suffit d'avoir chuté dans les sondages, d'avoir été boudé dans les magazines, puis de s'être refait une virginité en passant plus souvent à la télé. Les gens ont si peu de mémoire....Ils aiment tellement qu'on leur dore la pilule!
Me voilà avec mon bâton de pèlerin, espérant ne pas prêcher dans le désert en citant des expressions gnangnan comme cette longue traversée du désert censée décrire une épreuve de longue durée dont on espère sortir un jour.
Il s'agit souvent d'une personnalité rejetée un moment de la scène publique, qui a cependant pu continuer à entretenir sa grande villa sur la Côte d'azur ; on utilise plus rarement l'expression pour désigner le pauvre hère entre RMI et RSA. Traverser le désert implique que l'on y entre et que l'on en sorte et le people a plus de chances de le quitter un jour que le chômeur de voir la fin de ses galères. Le désert est aussi bien connu des hommes politiques. L'humoriste Pierre Daninos, lui, se gaussait de ces mirages : «Un homme politique s'éloigne de la scène politique pendant trois mois : c'est la traversée du désert !». Ne nous étendons pas sur ces longues traversée au temps de la fuite en Égypte, du séjour de Jésus inventant le carême ou encore de Lawrence d'Arabie franchissant le terrible Nefoud, qui nous paraissent aujourd'hui bien désuètes. Pour rester dans les poncifs, on pourrait quand même les décrire comme de «folles équipées», mais certainement pas aussi folles que ces cinglés et autres masochistes du Paris-Dakar.
Le plaisir dissimulé, voire refoulé, se soigne sur un divan, quoi qu'en pense Michel Onfray. Et s'il est non dissimulé, il sonne faux car tous les euphémismes ne sont pas faciles à décoder. Alors, mesdames, pour répondre au fameux «Alors, heureuse ?», ne vous contentez pas d'un simple «Bof!» car on ne saurait comment l'interpréter : ennui ou extase ? simulé ou non dissimulé ? Ce qui est non-quelque chose est de plus en plus à la mode. Pour moi, il est le signe d'un esprit tortueux : on ne parle plus de secret mais de «non-dit» et l'aveugle est devenu «non-voyant».....Quant à ce non dissimulé qui tourne autour du pot, puisqu'il n'a rien à cacher, qu'il se montre ! Aller droit au but, ça n'est pas pour me déplaire - Pardon, je voulais dire «ça me plait» - Alors, bas les masques ! Et écoutez plutôt cette grande fille toute simple célébrée par Prévert : «Je suis comme je suis / Je suis faite comme ça / Quand j'ai envie de rire / Oui je ris aux éclats».
Eh bien non, vous ne saurez jamais ce qu'il y a dans mon jardin secret qui n'a plus de raison d'être si je lève le voile sur son contenu. Par définition, un jardin secret est un domaine clos réservé aux sentiments et pensées intimes que l'on souhaite garder pour soi. Et comme c'est une propriété privée, personne n'y a accès. Mon jardin secret a d'abord été un petit lopin où je cultivais mes rêves d'enfant. Puis ce jardin s'est agrandi, parfois embelli, sans jamais devenir un jardin public : Il y a des plates-bandes qu'il ne faut pas piétiner, et des coins interdits aux curieux.
Je suppose que votre jardin secret ressemble au mien, il est votre chasse gardée, aussi précieux que le jardin d'Éden. Quand je serai vieille, mon jardin secret deviendra un jardin d'hiver que je continuerai de cultiver. Je vous dis cela bien sûr sous le sceau du secret.