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Un peu de douceur à Grasse où l'important c'est la rose...

Grasse est une ville qui a du nez.

Grasse est une ville qui a du nez.

Autant l'ouïe, via la musique, le goût, via la cuisine, et la vue, car nous vivons dans un monde d'images, sont très bien représentés et développés au quotidien, autant on s'intéresse beaucoup moins à l'olfaction et au toucher, comme s'ils étaient des sens mineurs

Les savoir-faire de Grasse sont  inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, et la capitale mondiale du parfum s'offre une deuxième jeunesse. C'est ici que poussent les roses et les jasmins délicats qui entrent dans la composition des parfums. Ici aussi que sont nées les plus grandes fragrances .....

La Renaissance fut l'ère des artistes par excellence. À cette époque avec ses peintres, ses sculpteurs et ses poètes, la France s'émancipe et rêve de renouveau. Grasse qui était jusque-là connue pour ses tanneries et sa maroquinerie, va connaître un nouveau destin avec la parfumerie.

Vous vous demandez sûrement quel lien peut-il y avoir entre le cuir et le parfum...Eh bien sachez tout d'abord que le cuir est une note très utilisée en parfumerie. La ville de Grasse était connue pour ses gantiers, lesquels passaient leur temps à tanner le cuir. Les effluves désagréables des peaux vont pousser les tanneurs à embaumer les gants de parfums. Distillation, enfleurage, extraction, les travailleurs du cuir deviennent très vite des parfumeurs aguerris, attirant de nombreuses personnes venant apprendre auprès d'eux les rouages de la parfumerie. Mais pas seulement.

Grasse est aussi gracieuse, et ses paysages à couper le souffle ne laissent personne indifférent. 

Au XVIème siècle, la cour de Versailles peine à venir à bout des odeurs désagréables. Onguents, lotions, ou encore poudres parfumées, tous les moyens sont bons pour camoufler ces relents. Les tanneurs qui fabriquent leurs parfums de manière exclusive pour embaumer leurs gants, vont devoir répondre à une demande grandissante de toute la France. C'est d'ailleurs à Catherine de Médicis que l'on doit la démocratisation des gants parfumés dans l'Hexagone.

Petit à petit la ganterie disparaîtra au profit de la parfumerie. Idéalement située entre les Alpes du Sud et la Méditerranée et jouissant d'un micro climat exceptionnel, la région offre en effet des sols propices aux plantes à parfums.

Dès le XVIIe siècle, trois fleurs emblématiques y sont cultivées : la rose, le jasmin et la tubéreuse, auxquelles s'ajoutent la violette, la fleur d'oranger, le mimosas ou encore l'iris.

La cueillette se fait à la main et obéit à des gestes précis. Car les fleurs à parfums sont très fragiles ! La rose se cueille entre mai et juin dès l'aube, fraîche et gorgée de rosée. Les fleurs de jasmin, délicates, sont soigneusement déposées dans de grands paniers recouverts d'un linge humide...

UN SAVOIR FAIRE À PRÉSERVER

Plus de quarante hectares de plantes à parfums sont encore cultivés dans le pays de Grasse. La filière emploie cinq mille cinq cents salariés, mais elle a bien failli disparaître. Dans les années 1980, la mondialisation et l'arrivée des parfums de synthèse ont mis à mal ces traditions millénaires. Sans compter la pression foncière menaçant ces terres où poussent des trésors....l'inscription en 2018 des savoir-faire liés au parfum au patrimoine mondial de l'Unesco devrait permettre de préserver l'activité en attirant de jeunes agriculteurs. En début d'année 2019 la ville a voté la sanctuarisation de soixante-dix hectares pour cette culture. Les parfumeurs les plus prestigieux, tels que Dior ou Chanel, continuent de s'approvisionner à Grasse. Quant aux maisons «historiques», trois sont toujours implantées ici : Galimard, Molinard, et la maison Fragonard, dont le musée abrite une splendide collection de flacons. 

Autre lieu emblématique, le musée international de la Parfumerie et ses jardins, un témoignage unique au monde de l'histoire sociale, culturelle et esthétique de ces senteurs....

De la cueillette au flacon :

L'extraction consiste à faire infuser les matières végétales dans un mélange de solvant et d'eau. On obtient une pommade odorante, «la concrète» qui, après avoir été mélangée à de l'alcool, donne «l'absolu». La distillation par vapeur d'eau permet d'obtenir les essences à partir desquelles va travailler le «nez». C'est à lui que revient l'art de composer le parfum. Tel un peintre, il assemble les senteurs pour obtenir le résultat voulu. Le nectar final est ensuite conditionné dans des flacons dont la réalisation, confiée à des designers, peut prendre plusieurs mois. 

Pour produire 1 kilogramme d'absolu de jasmin de grasse, 700 kilos de fleurs de jasmin sont nécessaires. Sachant qu'un cueilleur récolte environ 500 grammes par heure, 1 400 heures de cueillette ne sont donc pas de trop pour confectionner le précieux or liquide !

Ces données expliquent en partie les prix des essences : 70 000 € le kilo d'absolu de jasmin et 10 000 € pour l'absolu d'eau de rose...

En 1921, Gabrielle Chanel lance son premier parfum. C'est à Ernest Beaux qu'elle en confie la création. Créateur de parfum à la cour des tsars de Russie, Ernest Beaux présenta à Coco Chanel deux échantillons numérotés de 1 à 5 et de 20 à 24. Elle choisit l'échantillon n°5. A la question «quel nom allez-vous lui donner ?», elle répondit : «Je lance ma collection le 5 mai, cinquième mois de l'année, laissons lui le numéro qu'il porte et ce numéro 5 lui portera chance». Coco Chanel voulait offrir à ses clientes une signature parfumée inoubliable, en accord avec sa couture stricte, mais élégante. Ce parfum est un bouquet floral de jasmin, rose et néroli, de Grasse,  auquel les aldéhydes (molécules chimiques) ont apporté une touche «abstraite» et une note poudrée.

La légende veut que Coco ait originellement voulu créer ce parfum pour son usage personnel  uniquement. Mais le sillage qu'elle laissait derrière elle était si inhabituel et si intriguant qu'elle eut l'idée de le commercialiser à force de s'entendre poser la question «mais quel est ce parfum?» (ce à quoi elle répondait qu'il s'agissait juste d'un sent bon qu'elle s'était fait faire à Grasse). Ensuite, elle aurait  véritablement inventé le buzz en vaporisant son parfum dans l'air et sur les vêtements des gens qu'elle invitait pour des soirées. Laissant planer le mystère et l'envie. Le bouche à oreilles a très rapidement fait le reste, le N°5 est rapidement devenu le best-seller absolu....Avant d'être celui de Marilyn, le numéro 5 était le parfum de Gabrielle Chanel.

Joy, de Jean Patou 

Il sort en 1930, quelques mois après le «jeudi noir» (le 24 octobre 1929) qui marque le début de la crise boursière à Wall Street. À Grasse, le parfumeur Henri Alméras le conçoit comme un symbole de joie de vivre, envers et contre tout. Parfum grand luxe par excellence, Joy cible aussi bien les clientes Européennes que les riches Américaines. Dans le contexte de la morosité ambiante, son slogan choque les esprits ! Il est vendu comme étant « le parfum le plus cher du monde», en référence aux fleurs qui le composent, comme le jasmin de Grasse et la rose de mai. 

Amarige, de Givenchy

Cette grande fragrance est créée en 1991. La maison, qui a déjà commercialisé des parfums célèbres, comme l'Interdit, dédié à Audrey Hepburn, souhaite créer un parfum qui célèbre l'amour et l'union à deux. Avez-vous remarqué que «amarige» est l'anagramme du mot «mariage» ? Le créateur Dominique Ropion imagine à Grasse une association de fleurs blanches (fleurs d'oranger, jasmin) et de fleurs jaunes (mimosa), le tout associé à des notes fruitées de pêche, de prune et de cassis. Pour les notes de fond, il choisit le bois de santal et la vanille qui donnent à Amarige, parfum floral, une petite touche d'opulence...

J'adore, de Dior

Le célèbre flacon sort en 1999 et se veut comme un hommage au créateur de la maison de couture. L'or fait référence aux arts du XVIIIe siècle qu'appréciait Christian Dior, et le haut du flacon est un hommage aux cols en dentelle que portait sa mère. Pour la fragrance, la parfumeuse Calice Becker a voulu s'adresser à toutes les femmes en bousculant les codes de l'accord floral classique. 

J'adore, dégage des notes de mandarine, de rose de mai et de jasmin de Grasse avec, en fond, la vanille et le bois de santal. La créatrice explique avoir voulu peindre chaque fleur avant de les assembler en bouquet et d'y ajouter une corbeille de fruits....Le résultat est une ode à la femme et à la sensualité. 

La rose est aussi une thématique largement développée par toute une myriade de poètes : 

Mignonne, allons voir si la rose...

Pierre de Ronsard est certainement le plus grand poète de la Rose. Le premier vers du sonnet sur la mort de Marie, sa jeune inspiratrice, est dans toutes les mémoires.  «Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose....» 

À l'époque romantique, Théophile Gautier composera de nombreux poèmes sensuels sur la rose, que l'on trouve dans Émaux et Camées.

La rose que Gautier préfère est la rose thé : «Son tissu rose et diaphane de la chair a le velouté», écrit-il. 

Antoine de Saint-Exupéry écrit dans le Petit Prince : «Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde». 

«Il reste toujours un peu de parfum à la main qui donne des roses» : Confucius.

Victor Hugo avec Humour : «Il y a des gens qui vous laissent tomber un pot de fleurs sur la tête d'un cinquième étage et qui vous disent : Je vous offre ces roses»

Et enfin, dans le langage des fleurs, chaque fleur est associée à l'expression d'un sentiment. La couleur de la fleur joue beaucoup dans la signification qu'on lui donne. 

Le rouge est une couleur violente, qui exprime l'ardeur et la chaleur des sentiments. Le jaune est une couleur qui évoque la lumière, le soleil,  l'harmonie et la joie de vivre, tandis que le rose évoque douceur et tendresse. Pourquoi se priver d'un geste poétique et plein de grâce à travers un bouquet de roses  ? 

 

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