17 Septembre 2022
De marchés en pubs, de paysages sauvages en vestiges gaéliques, le sud-ouest de l'Irlande se prête à toutes les envies. Sa fière culture, teintée de danse et de musique, et l'âme celtique qui perdure ajoutent une touche d'exotisme à un voyage contemplatif.
Parfois, l'aventure est au coin de la rue. À Cork, elle commence sur l'avenue qui relie l'aéroport au cœur de la ville irlandaise. Volant à droite et conduite à gauche : un rond-point à prendre dans le sens des aiguilles d'une montre....c'est la panique ! Et puis doucement, la route s'apprivoise. Suffisamment pour relâcher un peu la concentration et observer le décor. Pour l'heure, les faubourgs alignent des friches, souvenirs d'un passé industriel révolu. Mais Cork est une rebelle. Depuis qu'Apple en a fait sa tête de pont pour l'Europe, levant dans son sillage une armée de geeks, elle a repris goût à la vie. Immeubles de verre reflétant avec insolence des bâtiments désaffectés ; élégantes demeures géorgiennes toisant avec arrogance de vieux pubs à la peinture écaillée.
Avec le boom technologique, le Saint Patrick's Quay qui longe la rivière Lee est devenu un joyeux méli-mélo architectural, comme un pied de nez à Dublin, la rivale de toujours.
Comme chaque matin, l'English Market s'éveille. Il n'est pas qu'un marché couvert datant de 1780, comme il est écrit sur la façade, mais, reconstruit plusieurs fois après moult incendies, il est l'âme de Cork, souvenir du XVIIIe siècle lorsque les commerçants prirent racine dans la ville située à dix kilomètres de la mer, pour profiter de l'afflux des migrants en partance pour le Nouveau Monde ; vestige de l'époque où les huguenots français s'installèrent dans les ruelles du French Quarter. Encore faut-il le dénicher, caché dans le coquet cœur de ville, aux demeures de grès rouge, où il fait bon flâner.
Tout ce qui se mange en Irlande s'y trouve : mouton, saumon fumé, boudin noir, huîtres....Même des fromages, comme le Cashel Blue qui se déguste avec des crackers ; excellente mise en bouche avec le pub crawl (comprenez la "tournée des pubs"!).
C'est au contact de ses habitants, en partageant une boisson, que transpire l'âme celtique de Cork. Ici, pas de discrimination à l'entrée en fonction du look, de l'origine. À Oliver Plunkett, des groupes de rock s'égosillent. Charlie's Bar joue une partition plus traditionnelle. Dans sa minuscule salle, quelques musiciens chauffent l'ambiance lors d'un concert informel.
Au son des violons et des bodhran (tambours sur cadre), on se serre les coudes et on claque des mains jusqu'à plus soif. Avec son physique imposant, ses tatouages et sa barbe hirsute, Liam, pourrait être joueur de football gaélique, sport national qui remplit les stades chaque week-end. Il se pratique au pied et à la main, en dribblant ; un étrange mélange entre rugby, foot et basket. Ce soir, ses doigts ne jouent pas avec le ballon mais caressent le tin whistle (une flûte). À lui seul il met le feu.
Lorsque l'on voyage en Irlande, le constat est rapide. La musique est partout. Dans les pubs, dans la rue, impossible d'échapper à un air traditionnel. Si jamais un petit voyage en Irlande vous tente, je ne saurais que trop vous recommander de faire l'expérience d'une session au sein d'un irish pub ! Le pub se charge d'une atmosphère unique et chaleureuse, où l'on se plait à échanger entre inconnus, à sourire, taper dans ses mains...C'est ce qui s'appelle faire l'expérience du «craic irlandais» : On y vit un moment fun et inoubliable, tout en simplicité et en émotion !
Fiers et chauvins, les habitants considèrent que Cork est la vraie capitale de l'Irlande. De là, il est facile d'explorer les charmes du sud-ouest de l'Eire. Avec son port de poche et ses maisons maquillées, Kinsale (à une vingtaine de kilomètres) est "LA" station balnéaire de la grande ville. Ballade à vélo et croisière avec l'observation des dauphins et baleines. On aurait pu se contenter de l'essentiel, mais nous avons voulu tester quelques expériences plus insolites. Quelle idée !
Bulman est un authentique pub, à la cheminée exhalant une forte odeur de tourbe. Jack, son barman à l'incompréhensible anglais, nous donne une leçon de tirage de pinte. L'exercice consiste à coiffer le verre d'une mousse crémeuse. Quelques essais ne sont pas de trop pour trouver le coup de main, avant de se mettre en jambes pour le défi suivant : une initiation aux danses traditionnelles....Un style particulièrement compliqué et unique en son genre dans le monde de la danse ❗
À Killarney, ce sont les conducteurs de calèches qui sont durs en affaires. Les attelages sont partout dans cette ville à une heure de route de Cork ; ils conduisent les visiteurs jusqu'à Muckross House, qui accueillit la reine Victoria le temps d'une nuit. Si la demeure évoque la vie aristocratique au XIXe siècle, la région vaut d'abord pour ses paysages sauvages.
Éclairé de trois lacs scintillants comme du mercure, cerné de forêts profondes et protégé par les Macgiliycuddy's Reeks (la plus haute chaîne de montagne d'Irlande), le Killarney Park - le plus ancien des six parcs nationaux irlandais - ouvre ses 10.000 hectares aux activités en plein air : vélo et kayak, golf ou pêche. Départ en calèche, balade en bateau et pique-nique sur l'île d'Innisfallen qui émerge de l'un des lacs, avec pour décor les ruines d'un monastère. Notre programme de la journée était délicieusement bucolique !
Killarney est aussi la ligne de départ de l'anneau de Kerry, la route panoramique qui ceinture Iveragh, l'un des péninsules (avec Dingle, Beara, Sheep's Head et Mizen Head) qui pénètrent l'Atlantique sur des kilomètres, tels de longs doigt décharnés d'un sorcier.
Sur ces terres tourmentées mises à mal par les crises économiques, il n'y a pas de place pour une autre couleur que celle de l'espoir. Vert sombre des forêt d'épicéas, vert jauni des bruyères ou vert tendre des pâturages. Et pourtant, la région n'est jamais monotone, perpétuellement redessinée par les nuages qui roulent dans le ciel : routes bordées de murets de pierre ou protégées par des «barrières» de fougères ; falaises tourmentées et criques dorées ; moutons tondus et montagnes pelées, à moins que ce ne soit l'inverse !
Dopée par la douceur du Gulf Stream, la flore pousse anarchiquement sur ces terres d'abondance (rhododendrons et même palmiers) à peine dérangée par quelques villages alanguis, une poignée de châteaux médiévaux et manoirs chics.
Bantry House est une élégante demeure du XVIIIe siècle plantée à l'entrée de Sheep's Head. Son parc, qui épouse la colline en sept terrasses, dévoile un point de vue magistral sur la baie de Bantry.
Dans ce bout d'Irlande où le gaélique partage les panneaux routiers avec l'anglais, l'appel du large est irrésistible. Il y a foule dans le petit port de Portmagee, à l'extrémité de la péninsule d'Iveragh, pour admirer le coucher de soleil qui embrase les maisons de poupées, rose pétard ou bleu azur. Un vrai cliché ! D'ici, on rejoint Skellig Michael, pyramide sauvage émergeant des flots à une douzaine de kilomètres des côtes.
Frappée par les tempêtes, livrée à des nuées d'oiseaux marins, l'île classée par l'Unesco se mérite : jauge des visiteurs limitée, accostage interdit quand les flots s'agitent. Pourtant, les touristes s'y bousculent depuis qu'elle servit de décor à la saga STAR WARS. Oubliant parfois qu'avant Luke Skywalker, dès le VIe siècle, des moines y édifièrent d'étranges huttes en pierre sèches, auxquelles on accède par 600 marches vertigineuses.
Sur la péninsule de Mizen Head, on célèbre un autre héros des temps modernes. Pour inventer la télégraphie sans fil, Guglielmo Marconi (prix Nobel en 1909) arpenta ses terres. Dans le sémaphore qui surplombe l'Atlantique, terminus du voyage, une petite exposition lui rend hommage. On y accède par une passerelle qui enjambe un gouffre et offre un panorama vertigineux des falaises déchiquetées. Je cherche des yeux le phare accroché sur un rocher, là-bas au large. On le surnomme «la larme de l'Irlande» car, pour de nombreux migrants en partance pour l'Amérique, il fut la dernière vision de leur terre natale.
Revenons à la musique Irlandaise qui ne fait pas que dans le traditionnel. Elle possède aussi sa clique d'artistes plus modernes : des musiciens et chanteurs qui ont su se diversifier dans la pop ou le rock. Parmi eux, certains sont devenus des icônes internationales, des figures légendaires comme U2, Rory Gallagher, les Cranberries, les Corrs, Enya, Kodaline et tant d'autres.
Écoutons Enya, cette artiste Irlandaise discrète, qui a vendu plus de 80 millions de disques dans le monde. Orinoco Flow (1988) chanson mondialement connue reste encore aujourd'hui un vrai bonheur pour les oreilles ! ▼