4 Juin 2022
Née Lesley Hornby, elle a inspiré les supermodels des années 1990 à aujourd'hui, mais aussi tout un pan de la culture pop. Première vedette dans l'univers jusque-là anonyme des mannequins.
La brindille des «Swinging» avait trente ans d'avance. Elle fut le premier mannequin star, mais beaucoup plus que ça. Car son aura a continué à irradier bien au-delà des frontières de la planète mode. Elle est ainsi devenue une icône pop, connue de tous les publics, tournant des films, jouant dans des comédies musicales et au théâtre, enregistrant des 45 tours, se produisant à la télévision. Il y a deux ans, elle a été anoblie par la reine Elisabeth, devenant officiellement Lady Twiggy Lawson. Mais comment Lesley Hornby, fille d'un maître menuisier et d'une ouvrière d'imprimerie, est-elle devenue Twiggy, l'égérie du «Londres endiablé» ?
Le conte de fées commence modestement, à Neasden, une banlieue sans âme du nord-ouest de Londres. Troisième fille de William et Lydia Hornby, elle naît le 19 septembre 1949. Dix ans avant d'être priée de porter les plus beaux vêtements des maisons de mode. En Janvier 1966, la jolie tête de Lesley, 16 ans, se retrouve entre les mains expertes du coiffeur Leonard of Mayfair. Ce virtuose des ciseaux cherche alors des modèles pour une coupe courte qu'il vient de créer. Il ratiboise donc les longs cheveux de l'adolescente pour une série de photos commandées à Barry Lategan, photographe de mode sud-africain, qui va fixer pour l'éternité l'image de Miss Twiggy. Leonard a la bonne idée d'exposer les plus beaux clichés dans son salon de coiffure. C'est là que la journaliste de mode du quotidien Daily Express, Deirdre McSharry, flashe sur la jeune femme. Elle s'arrange alors pour la rencontrer. Bluffée par les traits androgynes de Lesley, elle comprend qu'elle a devant elle le visage d'une nouvelle génération, celle qui fait vibrer la capitale anglaise, au des son premières merveilles pop des Beatles. La journaliste titre d'ailleurs son premier article paru en février au sujet de la jeune femme «Le visage de l'année 1966».
Avec un tel faire-part de naissance, l'adolescente entre par la grande porte dans le monde de la mode anglaise, où règne déjà son idole, la sublime Jean Shrimpton, révélée en 1962, et où la créatrice Mary Quant commence à faire parler d'elle et de ses jupes au-dessus du genou, à faire rougir la reine...
Lesley bouscule les codes avec son sex-appeal androgyne. Par la grâce d'un corps d'abord, porté par des jambes sans fin à mille lieues des mannequins charnus de son époque, et celle d'un visage, encadré d'une coupe garçonne révolutionnaire, éclairé par deux yeux mutins maquillées à grand renfort de cils artificiels, d'eye-liner et de mascara.
Elle tape très tôt dans l'oeil d'un certain Justin de Villeneuve, collègue du coiffeur Léonard, qui va devenir son compagnon mais surtout son manager jusqu'en 1973. Justin a d'abord l'idée géniale, de donner à la jeune femme un pseudonyme. Ce sera Twiggy, inspiré de «Twig», brindille en anglais, son surnom d'enfance tant la gamine était menue.
Twiggy fait souffler un vent de fraîcheur dans le milieu de la mode. En mars 1967, elle débarque à New York. Dans les médias, c'est la Twiggy mania. En avril, elle fait sa première couverture du Vogue américain ; en mai, elle trône à la une de l'édition française photographiée par Henry Clarke ; et en octobre, c'est au tour de ses compatriotes de la découvrir en couverture. Les photographes les plus célèbres immortalisent son minois, de Cecil Beaton à Richard Avedon. Dans la foulée, la jeune femme lance une ligne de vêtements à son nom, les Twiggy Dresses. Sa silhouette inédite se glisse à merveille dans les robes trapèze de Pierre Cardin et André Courrèges ou la minijupe symbole de liberté de l'Anglaise Mary Quant.
Les tenants de l'ancien monde crient au mauvais exemple, horrifiés par les mensurations de la brindille. Certains comparent même ses jambes à «deux vers de terre peinturlurés». Twiggy racontera plus tard qu'elle était maigre de nature : «J'ai toujours très bien mangé, mais j'avais ça dans mes gènes».
Après quatre années de triomphe mondial, le mannequin star, qui semblait être prise en photo toutes les heures, Twiggy ne sera jamais tombée dans le «Marianne Faithfull trap», le piège de la came, de la dépression, et des célébrités «coups d'un soir». Elle prend sa retraite en 1970, à 20 ans ! «Vous ne pouvez pas être un porte-manteau toute votre vie !», expliquera-t-elle.
«Je ne me suis pas arrêtée soudainement un jour en pensant : Je ne veux plus être mannequin», dit-elle maintenant. Mais à ce moment là, elle avait rencontré Ken Russell, le réalisateur. Elle est allée déjeuner avec lui - c'était une audition informelle - et quand elle est arrivée, Paul McCartney était également assis à la table. «Chaque adolescente avait un Beatles préféré et le mien était Paul McCartney, trois ans auparavant, j'avais été l'une des filles qui hurlaient à l'un de ses concerts. Et je devais aller m'asseoir à ce déjeuner, en face du réalisateur le plus célèbre d'Angleterre et de mon idole et essayer d'être normale et intéressante».
Un an plus tard, elle inaugure sa nouvelle carrière dans le cinéma puis la chanson en recevant deux Golden Globes (dont celui de la révélation féminine) pour son rôle de Polly Browne dans la comédie musicale The Boy Friend de Ken Russel. Elle pose pour la pochette de Pin Ups de David Bowie sorti en 1973, enregistre un premier album, Twiggy, en 1976 - elle apparaît dans le film The Blues Brothers en 1980. Depuis, elle n'a plus cessé d'être Twiggy à la télévision, à la radio, sur disque, sur Internet, où elle anime un blog consacré à la mode.
En 2015, elle est même devenue la nouvelle égérie coiffure de l'Oréal, cinquante ans après son avènement en Mona Lisa de la mode, coiffée par un certain Leonard de Londres...Cette fois plus de coupe garçon, mais un carré (blond) mi-long. La belle l'est toujours. Et ce n'est pas elle qui ira se frotter au botox ou à la chirurgie esthétique. Elle a déclaré «Je ne veux pas faire 35 ans, parce que je n'ai pas 35 ans, je veux juste être bien pour mon âge». «Je suis absolument ravie de devenir ambassadrice de la marque L'Oréal Professionnel, je crois vraiment en la compétence du coiffeur professionnel et je suis si fière de représenter la marque. Mes cheveux ont toujours été importants pour moi et ont toujours été une grande partie de mon image au fil des années. J'espère inspirer les femmes à avoir confiance en leur style personnel et à ne jamais avoir peur d'essayer quelque chose de nouveau».
En 2020, elle s'apprête à lancer Tean With Twiggy, dans lequel elle interviewera des amis célèbres «sur leur carrière, leur passé, leur enfance, et ce qu'ils font en ce moment». Le confinement a été un moment opportun pour s'y mettre. Il y a tellement d'histoires horribles aux nouvelles, dit-elle, je voulais des gens qui puissent raconter de belles histoires avec humour.
Le monde de la mode, comme d'autres, a été secoué par des allégations d'agressions sexuelles à la suite du mouvement #MeToo. Twiggy a déclaré qu'elle n'avait jamais subi de harcèlement, en partie parce qu'elle avait un manager, Justin de Villeneuve qui voyageait partout avec elle. «Mon père avait travaillé dans l'industrie cinématographique, alors il a évidemment vu ce qui s'y passait, et il m'a dit : «Si tu vas dans ces studios et que tu voyages, tu dois avoir quelqu'un qui t'accompagne». Donc, je n'ai jamais été touchée. Beaucoup de femmes qui ont vécu le pire essayaient de se frayer un chemin dans l'industrie et étaient plus vulnérables, souligne-t-elle.
Sources : The Gardian - Female First - The Mirror.
Alors que Twiggy, âgée de 72 ans depuis septembre, a laissé désormais tomber son maquillage signature, une nouvelle génération de stars, dont Ariana Grande et Anya Taylor-Joy dans Le jeu de la Dame, continue de célébrer l'héritage de la beauté de l'époque avec des créations inspirées de Twiggy. Le nombre d'hommages en ligne témoigne de l'incroyable popularité dont elle jouit au Royaume-Uni et dans le reste du monde.